Vivre avec le Christ ressuscité (Jn 20; Lc 24)

Dimanche de Pâques | Année A

“Ce que l’Évangile d’aujourd’hui nous propose, ce qu’il nous révèle dans la Transfiguration de Jésus, c’est cette puissance prodigieuse et magnifique d’un corps humain qui peut devenir le visage de l’éternelle lumière.

Homélie, Beyrouth, 2 avril 1972
Mise en ligne: 12.04.20
Temps de lecture: 3 mn

Schöngauer, Noli me tangere, Musée d’Unterlinden, Colmar (France)

Jésus Ressuscité entre dans la gloire de son Père. Il remonte vers le Père, comme il le dit à Marie-Madeleine. Il remonte vers le Père pour nous communiquer cette gloire qu’il avait avant que le monde fût.

Et quelle est cette gloire qui va transfigurer notre vie, lui donner une valeur incomparable ? Cette gloire, c’est l’Esprit saint qu’il va répandre dans nos cœurs. Cette gloire, c’est la Présence de Dieu, c’est son habitation au plus intime de nous.

Le ciel, dit le Pape saint Grégoire, c’est l’âme du juste. Voilà que le ciel vient en nous. Voilà que Dieu nous habite, que notre vie est identifiée avec la sienne ! Chacun de nous s’interroge : quelle est la valeur de ma vie ? Chacun de nous veut être unique. Il veut que sa vie ait un sens. Il veut qu’elle ne soit pas vécue en vain.

 

Quel honneur si, au soir de ce jour, chacun de nous peut découvrir dans le silence de son coeur cette Présence du Seigneur Ressuscité.

Comment notre vie peut-elle être unique sans faire tort aux autres ? Sans nous retrancher de la communion humaine ? Mais voilà justement le miracle et le mystère : c’est qu’en Dieu le secret de chacun, l’unicité de chacun et son universalité se confondent, parce que toute grâce est une mission, parce que celui qui reçoit Dieu, son cœur s’ouvre à l’infini et devient capable d’être une présence à tous les hommes.

Et c’est là justement le mystère merveilleux de l’Eglise, qu’elle réalise d’une manière unique, cette possibilité de relier les deux pôles de la vie commune, de la vie sociale ensemble et seul. On ne peut pas former une communauté sans vivre ensemble, mais on ne peut pas former une communauté véritablement humaine, sans que sa propre solitude soit reconnue et respectée. Car finalement la communauté vaut ce que vaut la solitude de chacun.

Si vous assistez à un concert, si les artistes sont dignes de la musique qu’ils présentent, si toute la salle est unanime à écouter, si elle est une seule respiration, une seule aspiration vers la beauté, chacun éprouve cette beauté d’autant plus profondément que le silence est plus total. Mais cette beauté, il l’éprouve comme le secret le plus intime de son cœur.

C’est là l’image d’une société parfaite, d’une société véritablement humaine : ensemble et seul. On communie ensemble à un bien suprême, mais qui est intérieur à chacun et qui est le secret le plus intime de sa personne. Et c’est cette gloire, justement, que Jésus veut nous communiquer, quand Il répand son Esprit dans nos cœurs. Et c’est cette gloire en laquelle nous nous enracinons dans la mesure où nous vivons le mystère de l’Eglise.

Car l’Eglise a ses assises dans la conscience de chacun. Chacun de nous doit devenir toute l’Eglise. Sans doute, chacun dans l’Eglise n’a pas la même fonction, mais tous les chrétiens ont la même mission d’être les porteurs de Dieu, d’être les porteurs du Christ et, par leur vie même, de témoigner de sa Présence en le communiquant.

C’est cela qui nous remplit de joie en voyant le Christ Ressuscité et remonté vers son Père, et devenir, à la droite du Père, le dispensateur de la gloire divine qui est répandue dans nos cœurs. par l’Esprit qui nous est donné. C’est cela qui nous remplit de joie parce que chacun d’entre nous peut entrer dans une grandeur infinie, parce que chacun de nous est vraiment chargé d’une mission universelle, parce que la vie la plus humble, la plus cachée – une femme qui se livre aux travaux obscurs du ménage – cette vie peut rayonner sur le monde entier et lui apporter la vie éternelle.

Quel honneur si, au soir de ce jour, chacun de nous peut découvrir dans le silence de son coeur cette Présence du Seigneur Ressuscité. Et, si chacun de nous se sent promu, élevé, magnifié par ce don de Dieu, si chacun de nous acquiert par là un plus grand respect de sa vie et prend cette admirable résolution d’être digne de cette mission et d’apporter partout où il va – sans le dire, mais dans l’amour même du Dieu qu’il porte en lui-même – si chacun s’efforce de communiquer aux autres ce merveilleux secret, en traitant l’autre avec un respect tel qu’il puisse découvrir au fond de son âme ce Christ qui est le Christ de tous, ce Christ qui est aussi le Christ de chacun, ce Christ qui nous appelle chacun par notre nom, ce Christ qui nous fait à la fois unis et universels.

Avec quel bonheur nous allons rendre grâce au Seigneur qui nous appelle à une telle dignité et qui nous envoie dans le monde pour être un Evangile vivant, qui nous envoie dans le monde pour porter la paix et la joie, qui nous envoie dans le monde pour que chacun se sente infiniment aimé par ce Christ qui est notre frère et notre Dieu!

Dernières publications

Le don véritable
Le don véritable

Quand notre foi nous montre en l’autre la demeure vivante des Trois Personnes et un autre Christ: «Ce que vous aurez fait au dernier d’entre mes frères, c’est à MOI que vous l’aurez fait», quel respect, quel amour et quelle anxiété de sauver ce trésor infini, en nous prévenant d’honorer les uns les autres, dit saint Paul.

Lire
Le bon Pasteur
Le bon Pasteur

Le Christ ne vécut pas pour prouver aux hommes qu’ils étaient de parfaits ignorants et il ne mourut pas pour affirmer un principe philosophique, il fit mieux. (…) Mais comment connaître le Christ? Vous avez ouvert Platon pour connaître Socrate, l’Evangile vous révèlera au mieux Jésus Christ (Mt 19, 36).

Lire
Quel regard sur le Christ?
Quel regard sur le Christ?

Les apparitions du Christ ressuscité sont un appel à la foi. Jésus ne se présente pas dans une vie nouvelle. Il ne se présente pas comme un spectacle, comme un objet qu’on peut percevoir sans s’engager. Ses apparitions sont un appel à la foi.

Lire