De la mort à la résurrection

Dimanche de Pâques,
Année B, 31 mars 2024, Jean 20, 1-9

D’une conférence de Maurice Zundel donnée au Caire en 1965

Le Christ, au jardin de l’agonie, nous introduit précisément dans cette dimension spirituelle de la mort qui la rattache, qui la fait remonter à un refus d’amour. Il est impossible de méditer sur le jardin de l’agonie, sans arriver à cette conclusion que personne n’a jamais tremblé devant la mort comme le Christ.

Le premier jour de la semaine,
Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ;
c’était encore les ténèbres.
Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre
et l’autre disciple,
celui que Jésus aimait,
et elle leur dit :
« On a enlevé le Seigneur de son tombeau,
et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple
pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble,
mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre
et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ;
cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour.
Il entre dans le tombeau ;
il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus,
non pas posé avec les linges,
mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple,
lui qui était arrivé le premier au tombeau.
Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris
que, selon l’Écriture,
il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Conférence, Le Caire (Egypte), 1965
Mise en ligne: 27.03.24
Temps de lecture: 2 mn

Comment est-ce possible que le Christ ait souffert jusqu’à la sueur de sang, jusqu’à recourir à l’amitié de ses disciples? Comment cela s’explique-t-il, sinon justement parce que le Christ a vécu avec toutes ses dimensions spirituelles, qu’il a vécu la mort avec ce fond d’infidélité, d’absence, de refus de l’homme. Il a vu le mal avec lequel il a livré ce corps à corps déchirant. Quand Paul dit: «Celui qui était sans péché, Dieu l’a fait péché pour nous», il touche le fond du problème.

La Résurrection du Christ n’est pas la réanimation d’un cadavre.

Jésus, dans ce corps à corps avec le mal, a eu le sentiment qu’il était le mal de toute l’humanité; Jésus est mort du dedans, de l’agonie morale, il est mort par l’esprit. Il est mort d’avoir été identifié avec le mal, d’avoir été le mal, avec la certitude d’avoir été l’innocence sacrifiée. C’est ceci qui a été le dernier coup et qui a conclu la rupture. La mort de Jésus a été une mort spirituelle. Elle n’a pas résulté de l’usure de l’organisme, d’un ralentissement de la biologie. C’est de cette blessure faite à son cœur qu’est cette identification avec le mal. Et c’est pourquoi la Résurrection du Christ, qu’il est impossible de ne pas considérer, pose un problème très particulier. Car sa Résurrection n’est pas la réanimation d’un cadavre. Justement, parce que le Christ n’est pas mort d’une corruption, d’une mort physique, il n’a jamais été un cadavre.

La Résurrection du Christ, comme sa mort, a été spirituelle, c’est-à-dire ce retour à cette harmonie de la personne qui vivifiait tout. Comme la personne du Christ était l’hôte divin. la personne du Christ vivifiait tout cet organisme. Elle était si attachée à la vie que c’est la mort qui paraît être le miracle, non la résurrection, qui est le retour à l’harmonie, qui est l’exigence de son être.

Il est important d’établir cette symétrie entre la mort spirituelle du Christ et sa résurrection spirituelle. Parce que sa mort est unique, parce que sa mort est spirituelle, sa résurrection est un événement spirituel. Nous en avons un indice émouvant dans le récit des apparitions. Le récit est tellement ambigu!

Les Apôtres sont tellement étonnés que c’est impossible d’inventer pareille narration. Ils sont dans la stupeur, et combien déconcertés que le Christ n’ait pas rétabli le royaume d’Israël! Et même après la résurrection, leur dernier mot avant qu’Il ne disparaisse de leur vue: «Est-ce maintenant que vous allez rétablir le Royaume?».

Ce qui est frappant dans le récit évangélique, c’est que la résurrection n’a pas été manifestée devant les ennemis du Christ. S’il s’agissait dans la résurrection, d’un cadavre, on pourrait convaincre Pilate et les ennemis. La résurrection s’atteste seulement au regard des disciples qu’il n’a pas convaincus, qu’il n’a pas transformés, mais c’est à eux qu’il a choisis que la résurrection se manifeste. Elle est donc immédiatement posée comme un bien de la communauté. C’est une vérité qui s’adresse à l’esprit.

Il ne s’agit pas de jeter dans la foule un événement sensationnel. Il s’agit de substituer à ce corps à corps avec la mort, de donner une réplique à cette mort spirituelle, par l’affirmation du triomphe de la vie divine, du triomphe de l’innocence et de l’amour.

Mais encore une fois, la lumière dans laquelle il nous faut considérer la résurrection de Jésus-Christ ne peut se détacher de la lumière tragique de son agonie. Il a été identifié avec le mal, et maintenant il a vaincu la mort.

Nous pouvons à notre tour la vaincre. Nous pourrons en faire un acte de vie. Mais pour que nous puissions en faire un acte de vie, nous devons dès à présent établir en nous la primauté de l’univers-personne. Il faut que nous puissions nous délivrer de nos défaillances, pour qu’elles ne nous entravent plus et que nous puissions faire de tout nous-même un être libéré, offert et capable de transparaître la Présence unique qui est la vie de notre vie.

C’est dans la mesure où nous parcourrons cet itinéraire que la mort nous paraîtra de plus en plus sous un autre jour, parce que nous la verrons non plus comme une rupture déchirante, mais comme une libération possible, davantage comme l’accomplissement définitif de cette libération à laquelle nous avons à concourir tous les jours.

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