Ces « riens » qui sont tout dans la vie

Être attentif à la douleur de quelqu’un, devenir une présence réelle, être là comme un visage ouvert et compréhensif, rendre sensible un cœur qui vibre avec le cœur d’autrui, il n’y a rien de meilleur et qui nous mette davantage en la présence de l’Amour de Dieu.

Homélie (extrait), Bex, Suisse, 1951. Inédit.
Mise en ligne:
22.06.20
Temps de lecture: 3 mn

Voyez: saint François va mourir. Il y a là une immense détresse pour ses disciples. Eh bien! Il fait chanter le Cantique du Soleil. Ce chant va détendre, détendre ce deuil, jeter sur cette scène déchirante une note de joie et les disciples ne pourront jamais se souvenir de cette mort, sans y puiser cette pensée de vie et de jubilation et ils sauront que, pour leur maître, la mort n’a pas été une détresse, mais un grand élan d’amour vers le Christ dans lequel il n’a jamais cessé d’espérer.

Ou bien Thomas More, ce grand martyr anglais du 16ème siècle, quand il va monter à l’échafaud, dit au bourreau: « Aide-moi à monter. Pour la descente, je me tirerai d’affaire tout seul. » Il fait une plaisanterie qui doit donner au bourreau le sentiment qu’il n’accomplit pas quelque chose de terrible puisque le martyr, car c’est d’un martyr qu’il s’agit, le martyr monte à l’échafaud avec tant de paix dans le cœur et tant d’allégresse dans la voix.

C’est en tissant ces mille riens avec les nuances de notre amour que nous entrerons dans le secret du Cœur de notre Seigneur.

Sainte Catherine de Sienne, dans une de ses lettres les plus célèbres, raconte une visite qu’elle a faite à un jeune homme, Nicolas Toldo, qui est condamné à mort, condamné à mort pour un rien: il a dit quelque plaisanterie un peu irrévérencieuse à l’adresse du magistrat et, pour ce simple fait, il va être décapité.

Ce jeune homme qui est de Pérouse, qui est plein de vie (c’est le printemps), voudrait vivre de toute sa force de jeunesse. Il est désespéré, il est plein de révolte contre Dieu. Et Catherine va le trouver dans sa prison, elle lui parle de l’Amour du Christ, de sa Présence, de sa Passion et de sa participation à sa mort, s’il l’accepte, de devenir un mystère de la Rédemption.

Il y a dans la présence de Catherine une telle charité, un tel rayonnement, une telle transparence que ce jeune homme est transfiguré et il dit oui, il l’accepte, il accepte cette mort, il est tout prêt à l’offrir à Dieu pourvu qu’elle accepte, elle aussi, de l’accompagner au lieu de son supplice.

Catherine en effet, le jour de l’exécution, précède Nicolas et met sa tête sur le billot et prie longuement pour lui et elle supplie le Seigneur d’être une présence réelle au moment de l’exécution et, quand Nicolas arrive accompagné du bourreau, Catherine dispose sa tête sur le billot, elle l’encourage et lui sourit: « Va, ne crains pas, mon frère, sous peu tu seras aux noces de l’éternel. »

Et Nicolas ne voit plus que ce visage, ce visage de bonté, ce visage de grâce et de charité et le condamné meurt sans même s’être aperçu de son exécution et Catherine reçoit sa tête sanglante contre son cœur.

Ce n’est rien, justement, ce rien c’est cette nuance exquise de la grâce et de la charité qui était plus forte que la mort, qui en a dissipé les appréhensions et toutes les révoltes et qui a fait de cette exécution injuste et brutale une offrande presque joyeuse d’amour.

C’est par-là que nous engendrons notre Seigneur

Nous n’aurons pas encore aujourd’hui, peut-être, nous n’aurons pas encore l’occasion d’assister à une exécution capitale et d’en adoucir l’amertume, mais nous pouvons, à chaque instant du jour, prévenir les blessures du cœur qui sont déjà une manière de mort.

C’est en tissant ces mille riens avec les nuances de notre amour que nous entrerons dans le secret du Cœur de notre Seigneur, et que nous serons pour les autres, l’étoile qui les conduit à l’Amour infini qui nous apparaît, aujourd’hui, sous les traits d’un tout petit enfant.

Par ces toutes petites prévenances qui sont des riens, par ces nuances exquises de la bonté et du silence et de la tendresse qui introduisent justement dans la vie une présence dont notre visage fait sensible un cœur. Et c’est par-là que nous engendrons notre Seigneur Jésus-Christ dans le mystère de son Épiphanie.

Car c’est Jésus, justement, qui est allé jusqu’au bout de cette sensibilité humaine et, pour répondre aux appels de cette sensibilité humaine, il a fait son premier miracle et il a fait aussi la résurrection de Lazare, son plus grand miracle.

La vie est composée de ces riens comme la musique est faite tout entière de nuances et c’est en tissant ces mille riens avec les nuances de notre amour que nous entrerons dans le secret du Cœur de notre Seigneur et que nous serons, pour les autres, l’étoile qui les conduit à l’Amour infini qui nous apparaît, aujourd’hui, sous les traits d’un tout petit enfant.

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