Aimer le prochain et Dieu

30e Semaine du Temps Ordinaire, Année A, Mt 22, 34-40

Nous savons de mémoire, pour l’avoir entendu dire et pour l’avoir répété nous-mêmes si souvent, que la charité est le premier des commandements, que la charité, comme dit saint Paul, est le lien de la perfection, que le chrétien est celui qui aime son prochain comme soi-même.

Conférence, Ghazir (Liban), 1959
Mise en ligne: 19.10.20
Temps de lecture: 2 mn

En fait, à l’expérience, nous savons que rien n’est plus difficile. Bien sûr, il nous est facile d’aimer ceux qui nous sont sympathiques, il nous est facile d’aimer ceux envers lesquels nous éprouvons un attrait spontané ou passionné.

La difficulté, c’est d’aimer le premier venu. La difficulté, c’est d’aimer ceux avec lesquels nous n’avons aucune affinité. La difficulté, c’est d’aimer ceux qui nous sont antipathiques.

La difficulté, c’est d’aimer le premier venu.

Et c’est là que nous sommes tentés de nous jouer à nous-mêmes la comédie, d’esquiver l’appel de Dieu, de nous trouver des motifs pour nous sentir appelés ailleurs, pour être occupés, pour n’avoir pas à nous charger de ce cas, enfin pour trouver la raison de nous donner une bonne conscience tout en nous détournant de l’appel de l’Évangile. Et ce dont nous ne nous apercevons pas, c’est que nous sommes en train de nous fabriquer un faux dieu.

Le chrétien, en effet, est averti par la parole de Jésus: «C’est moi qui vous attends, c’est moi qui suis caché derrière ce visage, c’est moi qui ai besoin de vous dans cette misère». Si nous nous détournons de ce « De Profundis » de Dieu, nous sommes en train de nous tourner vers une idole.

Justement parce que la charité est un mystère de foi, la charité ne consiste pas à éprouver un amour sensible pour qui que ce soit; la charité ne consiste pas à être aimé dans ses entrailles; la charité ne requiert pas que nous versions des larmes sur la douleur ou la misère d’autrui.

Les larmes peuvent être bonnes, la pitié aux entrailles peut être bonne, l’attrait sensible peut être excellent, mais cela n’est pas en notre pouvoir. Ce qui nous est demandé, c’est, à travers des apparences quelconques, à travers des apparences répugnantes et repoussantes, de faire l’acte de foi en la valeur infinie du premier venu. (…)

Il s’agit toujours d’un mystère de foi, et la charité dans l’Évangile est si intimement liée à la foi qu’elles ne font qu’un.

Car, bien entendu, l’homme n’est pas aimable, la plupart des hommes sont antipathiques et il est impossible de les aimer pour ce qu’ils sont. On ne peut les aimer que pour ce qu’ils peuvent devenir, on ne peut les aimer qu’en faisant crédit à la grâce en eux, en faisant crédit à l’avenir.

Mais ce crédit est absolument, essentiellement lié à la foi, car Dieu, c’est justement celui qui va naître en eux, qui va faire surgir en eux cet espace infini, qui va faire jaillir en eux cette source qui est la vie éternelle, qui va faire d’eux, de chacun, une origine, un commencement, un créateur, un trésor unique, irremplaçable.

Et justement, pour l’Évangile, il n’y a pas d’autre Dieu que ce Dieu-là.

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