L’entrée de Jésus à Jérusalem (Mt 21.26)

Dimanche des Rameaux et de la Passion | Année A

L’entrée messianique de Jésus à Jérusalem, appelée communément le jour des Rameaux, est au centre des Évangiles. Vous vous rappelez cette scène. Jésus descend du Mont des Oliviers. Il a devant lui toute la ville de Jérusalem et en particulier le Temple, dont la splendeur éclate au soleil. Et il pleure sur cette ville, dont il prévoit la ruine et l’entière destruction.

Homélie, Lausanne,
Dimanche des Rameaux et de la Passion, 1966.
Mise en ligne: 31.03.20
Temps de lecture: 3 mn

"Si Dieu n'était pas engagé dans notre destinée, il serait un Dieu incompréhensible et scandaleux." | DR

Ces larmes de Jésus nous touchent d’autant plus que nous sommes ici au jour des Rameaux, ce jour où nous assistons à une sorte de triomphe du Seigneur. Et nous voyons que Jésus n’en est pas dupe, à quelques jours de sa Crucifixion, car il porte en lui toute l’humanité, toute l’histoire, tout l’univers, à la lumière de cette Révélation formidable qui va faire de la mort de Dieu une affirmation de sa toute-puissance.

Jésus inscrit dans le plus profond de notre âme ce visage d’un Dieu silencieux.

Saint Luc avait déjà rapporté cette immense douleur du Christ devant l’ingratitude de Jérusalem : « Toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes… et vous n’avez pas voulu ! » (Lc 13, 34). Maintenant, Jésus pleure sur Jérusalem et ses larmes sont une profonde révélation sur la question de savoir : « Qui est Dieu ? » Jésus a pleuré sur Jérusalem !

Mais comment Dieu peut-il pleurer et qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que l’on ne nous rebat pas les oreilles de la toute-puissance de Dieu ? Est-ce que Dieu ne pouvait pas transformer cette ville, est-ce qu’il ne pouvait pas l’obliger à le reconnaître ? Est-ce que sa toute-puissance n’était pas capable de faire un miracle, de ressusciter « les vivants et les morts »… ? j’entends : les précipices de l’ombre de la mort spirituelle, dans laquelle tous étaient plongés.

Eh bien, non justement, ce que Jésus vient révéler au monde, c’est l’échec de Dieu, c’est-à-dire que Dieu se révèle en Jésus-Christ comme l’Amour qui n’est qu’amour. Et que peut l’amour ? Aimer, un point, c’est tout ! Et quand l’amour ne rencontre pas l’amour, quand il se heurte de plus en plus à un refus obstiné, il reste impuissant et ne peut plus offrir rien d’autre que ses propres blessures : Dieu précisément meurt ainsi de tous nos refus d’amour et c’est ce que signifie, dans l’histoire, la mort de Jésus-Christ.

Le récit de l’Évangile montre la manifestation des oppositions à l’Amour et leur surgissement dans une progression toujours plus tragique vers la défaite et vers l’échec. C’est par là que Jésus vient nous délivrer d’un Dieu qui serait uniquement pour nous une limite et un scandale, d’un Dieu qui voudrait nous plier à ses lois d’une manière arbitraire. Jésus nous a révélé dans sa personne, dans son agonie, dans sa mort, dans son immense Amour… il nous a révélé un Dieu intérieur à nous-même et qui ne peut que nous aimer, en nous attendant infiniment, en nous attendant éternellement, en nous attendant au plus intime de nous-même.

Si Dieu n’est pas un autre Dieu, alors tous nos rapports avec lui sont changés, puisque sa toute-puissance n’est plus que la toute-puissance de l’Amour, qui par là même est limitée par les refus d’amour que nous venons lui opposer. Alors le salut se comprend mille fois mieux. Il serait scandaleux que Dieu soit quelqu’un qui jouisse de son bonheur, qui soit dans une gloire non troublée, en qui tout se passe merveilleusement et que le monde soit dans la situation où il se trouve.

Il est évident que notre situation d’aujourd’hui correspond à la vision de saint Paul, voyant dans le monde où nous sommes un monde en sursis, un monde incomplet, un monde qui aspire à être, un monde qui est dans les douleurs de l’enfantement. Et, dans ces douleurs, il y a d’abord et au premier plan, la douleur de Dieu (Rm 8, 22).

Si Dieu n’était pas engagé dans notre destinée, engagé dans notre histoire jusqu’à la mort de la Croix, il serait un Dieu incompréhensible et scandaleux. Jésus nous a délivrés, par bonheur, de ce scandale. Jésus a ouvert les yeux de notre cœur. Jésus inscrit dans le plus profond de notre âme ce visage d’un Dieu silencieux, d’un Dieu incapable de nous contraindre, d’un Dieu qui se remet entre nos mains, d’un Dieu qui nous fait un  crédit insensé, un Dieu, finalement, qui ne peut entrer dans notre histoire que par le consentement de notre amour.

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