Entre nos mains, la liberté

Nous sommes libres! Parce que Dieu nous veut ainsi. Libres en pensées, en paroles, par la grâce et par l’alliance. Libres jusqu’à l’envol, jusqu’à la transparence, l’élégance, la dignité. 

L’auteur de cet article

Isabelle Perrenoud | Installée dans un petit village proche des montagnes, c’est dans la solitude et la rencontre qu’elle nourrit sa foi, sa quête de sens et son espérance en une humanité réconciliée.

Libres au point de nous perdre dans des élans de générosité qui transfigurent nos corps et élèvent nos âmes, sanctifiant nos actions et inspirant nos décisions. Pleinement libres. De nous émerveiller.

Mesurons-nous toujours la portée de cette vérité? Nous sommes libres! Libres de tendre la main ou de serrer les poings, de multiplier les pains ou de limiter les rations; libres d’aimer notre prochain ou de mépriser notre propre existence; libres de nous offrir ou de nous refuser, de cultiver la joie ou de lui préférer l’effroi; libres de naître d’en-haut ou de mourir sans avoir jamais vécu.

Il est là, vêtu de sa soutane blanche, les poches vides, le regard étoilé, le cœur débordant.

Bien plus: nous sommes libres d’incarner le Christ ou de Le crucifier encore, libres de croire en l’homme ou d’en douter.

Où en sommes-nous? Inégalités, guerres, misères, violences, massacres, exclusions, pollutions, extinctions, conspirations: si la liste noire des tragédies multiples qui nous maintiennent prisonniers des zones boueuses de notre humanité n’est pas exhaustive, elle suffit pour nous inciter à nous interroger: comment ne pas douter de l’homme?

Comment ne pas nous laisser emporter, engloutir, par un sentiment d’impuissance et de dégoût qui, insidieusement, nous submerge et nous paralyse? Accablés, prostrés, nous frémissons. Interdits. Du milieu du gâchis, un cri retentit: «Nous voilà avec la tête dans le mur! Le système s’effondre. Notre civilisation suffoque, carencée sous les déchets de nos excès et les immondices de nos injustices. Impasse. Collapse. Nous n’en réchapperons pas. Il est trop tard!» Le glas sonne dans les consciences; le dépit et la peur se lisent sur les visages. Le ciel rassemble ses nuages: l’homme n’en a plus pour longtemps. Désespérance.

L’homme a mal à l’homme

C’est ici que l’abbé Zundel s’avance. Aujourd’hui. Au milieu des drames qui révèlent nos trop nombreux manques d’amour, de son pas souple et dansant, de sa présence plus que jamais rayonnante, il vient à nous. En ce passage obscur où voudrait s’inscrire la défaite, entre ces lignes ténébreuses où pourrait s’installer l’échec, il apporte son message de vie.

La mort n’a ni ralenti son pas, ni altéré son langage: plus que jamais, Maurice Zundel nous interpelle. A sa manière: avec un infini respect. A genoux. Devant nous. Il est là, vêtu de sa soutane blanche, les poches vides, le regard étoilé, le cœur débordant. Il nous contemple. Qui que nous soyons. Comme si, au-delà de nos obscurités, nous étions des promesses, des cathédrales, des tabernacles, des vitraux. Comme si nous étions des reflets de Dieu.

Il se met à nous parler. Dans une sorte de murmure, d’abord. Parce que ses mots à lui ne sont pas dictés, pêle-mêle, par des émotions débridées: ils viennent des profondeurs du silence, remontent de l’éternité, se fraient un chemin à travers nos opacités; et, soudain, ils éclatent, ils s’enflamment, ils soufflent sur les braises, ils nous touchent.

Juste à cet endroit où l’homme a mal à l’homme; juste à ce moment où, collés à nos détresses, attachés à nos limitations, rivés au spectacle déprimant de nos penchants égoïstes et de leurs mortelles conséquences, dans un triste soupir, nous allions oublier de devenir ce que nous sommes en vérité: des promesses, des cathédrales, des tabernacles, des vitraux. Des reflets de Dieu.

Peu à peu, nous nous pressentons capables de mieux, capables du meilleur: capables de renaître. Libres! Libres en pensées, en paroles, par la grâce et par l’alliance. Libres jusqu’à l’envol et la transparence.

Impossible de nous rendormir

Mais, dans les faits, comment nous y prendre? Comment nous déprendre – sans nous méprendre – de ce qui nous enchaîne si souvent à ces parts de nous-mêmes qui nous maintiennent dans la reptation et l’asservissement?

La question nous taraude, nous chahute. Impossible de nous rendormir: l’abbé Zundel, toujours à genoux, devant nous, le regard étoilé, nous tire du sommeil. Non pour nous ravir tout repos, mais pour nous inviter à nous émerveiller et à veiller. Car, chaque matin, parce qu’Il croit en l’homme, Dieu nous confie Sa liberté. Celle-là même qui L’a conduit sur la croix. Offrande d’un amour dont la portée nous échappe, elle est là: entre nos mains.

A nous de les ouvrir, ou de serrer les poings; à nous de multiplier les pains, ou de limiter les rations.

Isabelle Perrenoud

Dernières publications

Envoyés dans le monde pour la joie
Envoyés dans le monde pour la joie

La joie en soi, est meilleure que la douleur. Dieu n’aime pas la douleur, il déteste la douleur, il déteste la mort. Il y a entre Dieu et la mort, une inimitié personnelle, parce que la mort est la conséquence du péché, ce refus d’amour. Ce n’est pas lui qui a inventé la mort, la douleur et le péché.

Lire
S’engager pour l’Irak avec Maurice Zundel: le témoignage de Bernard Geyler
S’engager pour l’Irak avec Maurice Zundel: le témoignage de Bernard Geyler

S’engager pour l’Irak avec Maurice Zundel: le témoignage de Bernard Geyler Bernard Geyler ne pouvait pas rester les bras croisés devant l'Irak à feu et à sang. La rencontre de

Lire
« Je vous appelle amis »
« Je vous appelle amis »

Tant qu’il s’agit simplement de se hisser à force de bras au sommet d’une vertu de stoïcien, cela n’a aucun intérêt et il y a une telle tension qu’on est d’autant plus esclave du moi qu’on a voulu s’en délivrer.

Lire