Devenir disponible à l’Esprit (Jn 17)

7e Dimanche de Pâques | Année A

« Il est bon que je m’en aille, dit notre Seigneur, il est bon que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet, le Saint- Esprit ne viendra pas à vous. » (Jn 16, 7)

Conférence au Carmel de Matarieh,
Le Caire, mai 1967
Mise en ligne: 24.05.20
Temps de lecture: 3 mn

S. Sarda-Légaré, Moment de bonheur, Méditations, Publi-Libris SA. 2016 p.43, | © www.sarda-legare.net

Dans ces paroles au cours de ses derniers entretiens avec ses disciples, selon l’Evangile de saint Jean, notre Seigneur  reconnaît donc son échec. Il n’y a pas, en effet, d’aveu plus explicite que celui-là : « Il est bon que je m’en aille, puisque je suis un obstacle pour vous, un obstacle à l’avènement de l’Esprit saint ».

D’où vient que notre Seigneur échoue de cette manière ? C’est évidemment que les apôtres, qui le voient devant eux, ne l’ont  pas vu au-dedans d’eux-mêmes. Cela veut dire qu’ils n’ont pas reconnu le caractère sacramentel de son humanité. Ils ne voient pas au-delà de cette humanité. C’est pourquoi ils attachent à cette humanité de notre Seigneur les rêves qui remplissent leur imagination et leur cœur. Ils le voient comme ils veulent qu’il soit. Ils le voient conforme à leur désir et à leur ambition.

En voyant Jésus comme intérieur à eux-mêmes, ils se verront eux-mêmes comme les sacrements de Jésus.

Notre Seigneur, en effet, échappe nécessairement à qui le regarde du dehors. Personne ne l’a vu dans sa réalité essentielle, ni ses amis, ni ses ennemis, ni ceux qui l’ont suivi avec amour et enthousiasme, ne ceux qui l’ont persécuté ni ceux qui l’ont jugé et condamné.

Il est bien vrai qu’en Jésus la Présence de Dieu est entrée dans l’histoire d’une manière définitive. Il est bien vrai que l’humanité de notre Seigneur est la suprême révélation de Dieu, précisément parce qu’elle est totalement effacée et que ce détachement subsistant et éternel constitue la personnalité du Fils de Dieu. Il n’y a pas de révélation qui puisse aller au-delà que celle qui nous est communiquée par ce suprême dépouillement.

C’est toujours à Jésus-Christ qu’il faudra recourir. C’est toujours vers Jésus-Christ qu’il faudra se tourner pour obtenir la vraie vision du visage de Dieu. Mais, pour rencontrer cette révélation suprême, il faut se rendre présent à Jésus-Christ.

Nous retrouvons cette loi interpersonnelle dans l’univers interpersonnel, dans l’univers qui est fondé sur la communication des personnes, sur l’échange de leurs intimités. Il n’y a de contact possible qu’à travers le don de soi-même et plus ce don est parfait, plus la connaissance est parfaite et quand ce don manque, il n’y a pas de connaissance possible.

Et c’est là justement ce qui explique cet échec de notre Seigneur, exprimé dans ces paroles bouleversantes : « Il est bon que je m’en aille car, si je ne m’en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas à vous ».

La vie donc de notre Seigneur n’aurait aucune espèce de conséquence, n’obtiendrait aucun effet, si elle ne revivait pas dans le cœur de ceux qu’il  a choisis pour continuer sa mission et c’est justement ce qui constitue ce caractère si dramatique de ses derniers instants : il va disparaître, il va cesser d’être visible, il va traverser la mort et, s’il est le vainqueur de la mort et s’il en triomphe par sa Résurrection, cette Résurrection elle-même, nous l’avons souvent remarqué, elle est réservée et elle n’a pour témoins que ses seuls disciples qui n’ont rien compris et qui, jusqu’au jour de l’Ascension, conservent leur vieux rêve d’une restauration d’Israël.

Le miracle de la Pentecôte décidera de tout, puisque c’est à travers l’effusion du Saint- Esprit, qui prend possession de l’âme des apôtres, c’est à travers cette effusion de l’Esprit que les apôtres deviendront présents à Jésus et que, cessant de le voir comme un personnage extérieur à eux-mêmes, ils le verront comme la vie de leur vie, ils le verront comme intérieur à eux-mêmes.

Mais, en le voyant intérieur à eux-mêmes comme la source même de leur mission, comme la lumière même qu’ils communiquent, comme la grâce qu’ils répandent, comme la seule Présence enfin qui légitime leur action et lui donne son efficacité, en voyant Jésus comme intérieur à eux-mêmes, ils se verront eux-mêmes comme les sacrements de Jésus. Ils se verront comme dépouillés d’eux-mêmes pour n’être que les signes vivants qui signifient ou qui témoignent de sa Présence et qui la communiquent.

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