COVID: un temps favorable pour remettre l’humain au centre?

La pandémie, avec les ralentissements qu’elle impose, devrait pouvoir être un «kairos» pour poser des questions fondamentales sur la gestion de l’activité humaine.

L’auteur de cet article

Marc Donzé est prêtre, fervent disciple de Maurice Zundel à qui il a consacré l’essentiel de sa bibliographie.

Pour la première fois dans l’histoire, un fléau touche le monde entier en même temps. Le coronavirus s’est répandu sur tous les continents. Qui sait, même l’Antarctique pourrait être concerné. Les observateurs ont noté que même les guerres dites mondiales n’ont pas atteint tous les pays.

La pandémie montre, en creux, que tout est interdépendant sur notre terre. Tout est donc relié et cela devrait poser la question d’une solidarité planétaire.

Dans les conversations et dans les médias, deux thèmes prennent l’essentiel de l’espace: la santé et l’économie.

Les moyens d’une vie humanisée

«Il faut que l’activité économique puisse continuer, ou redémarrer, ou retrouver son élan normal», entend-on. Mais qu’est-ce qui définit cette normalité? Le profit, le progrès, le pouvoir? La pandémie ne serait-elle pas le moment d’un questionnement sur les rythmes et les modalités de l’économie?

Dans le fond, l’activité humaine devrait avoir pour objectif de procurer à chaque personne et à chaque ensemble social les moyens nécessaires pour vivre une vie humanisée; et de le faire maintenant, ou dans les délais les plus brefs, car nul ne peut vivre de promesses lointaines et évasives.

Pour cela, il importe que chaque personne – ou chaque famille – puisse bénéficier d’un toit, de la sécurité alimentaire, des possibilités de formation, d’une situation de paix; il faut aussi que tous puissent être respectés dans leurs droits et devoirs, en particulier les enfants et les personnes les plus faibles.

Par exemple, que des enfants doivent travailler dans des mines, avec des conditions insalubres, cela ne devrait en aucune façon être acceptable. Aucune raison économique ou pratique ne devrait permettre de justifier cela, car, comme dit un principe moral fondamental, loin d’être toujours respecté, la fin ne justifie pas les moyens.

Devenir un espace de générosité

Donc, pour reprendre le mot de Maurice Zundel, chaque personne doit pouvoir bénéficier «d’un espace de sécurité pour devenir un espace de générosité».

Ce mot lumineux devrait devenir une maxime économique, car il peut servir de base à une solidarité planétaire. A un double titre.

Il marque la nécessité d’un partage équitable des biens, pour que chacun dispose du nécessaire.

Mais il détermine aussi un esprit: à partir du moment où la personne vit dans une sécurité suffisante, elle peut cultiver les valeurs de l’esprit et de l’amour. Elle peut déployer une activité qui ne soit pas uniquement alimentaire, mais qui devienne créatrice de valeurs, de beauté, de lumière.

Elle peut aussi créer des liens et des partages, qui permettent à des familles, des communautés, voire des cités, et finalement la planète entière, de déployer ce que Teilhard de Chardin appelle «l’énergie amorisante».

Cette perspective peut sonner de façon bien idéaliste dans une économie complexe, avec un tissu de relations, où il n’est pas facile de tracer des orientations. Mais elle peut servir à poser des questions pour que la solidarité planétaire ne soit pas complètement un vain mot.

Par exemple, comment sauvegarder les emplois, de telle sorte que chacun puisse gagner sa vie, et qui plus est en faisant un travail respectueux de la dignité de la personne? Comment éviter l’égocentrisme et une politique qui prône: nous d’abord, et les autres peut-être ensuite? Comment procurer aux personnes un revenu qui leur permette de vivre de façon digne? Et dans ce sens, ne peut-on pas poser la question d’un revenu de base inconditionnel? Comment respecter la création et vivre une économie suffisamment frugale, pour que la planète ne soit pas épuisée?

Kairos

En d’autres termes, la pandémie, avec les ralentissements qu’elle impose, devrait pouvoir être un «kairos» pour poser des questions fondamentales sur la gestion de l’activité humaine.

Les problèmes relatifs à la santé posent aussi en filigrane des questions fondamentales. Elles sont très nombreuses. Je dois ici me contenter d’en évoquer une seule. Je la choisis en lien avec l’économie.

Comment assurer un accès aux soins de façon aussi égalitaire que possible, non seulement dans notre proche environnement, mais dans tous les pays;et comment trouver des traitements qui soient pleinement respectueux des lois que la nature a patiemment élaborées pendant des millions d’années, et donc sans jouer à l’apprenti sorcier?

On peut souhaiter que des débats aient lieu sur ces questions essentielles aussi, pour déterminer des orientations nouvelles et éclairer les décisions à prendre chaque jour pour le bien commun et le bien de chaque personne.

Marc Donzé

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