Comment atteindre ce dedans?

« Décoller » de ce moi préfabriqué, oui! Mais comment? Comment atteindre ce « dedans », moi qui suis toujours « dehors »? Comment atteindre à la grandeur, à cet état d’amour, de liberté dont parle Maurice Zundel? A un moment ou à un autre, la question du « comment » se pose à tout chercheur. Zundel la pose souvent. Comment y répond-il?

L’auteur de cet article

Dominique Jaccard Etter, journaliste à la retraite, psychanalyste corporelle à la retraite

On cherchera en vain dans ses écrits et ses paroles rapportées une méthode, une technique, un procédé de méditation, un parcours suivi, un accompagnement, tout ce qui pourrait constituer un chemin spirituel balisé à emprunter.

Cependant, une lecture suivie des livres de Zundel laisse apparaître, dans ses thèmes toujours repris, un appel pressant « à devenir », et des indications précieuses:

  • devenir silence, alors qu’il y a tant de bruit à l’intérieur de soi et alentour
  • écouter la vérité en devenant silence
  • l’écouter et la laisser transparaître
  • l’écouter et en porter soi-même le rayonnement et la vie 
  • faire cet immense itinéraire de nous-même à nous-même 
  • cachons-nous dans le silence, recueillons-nous dans le plus secret de nous-mêmes et nous entendrons
  • dans ce vide que nous avons à faire en nous-mêmes, dans cette évacuation de nous-mêmes qui est la seule libération
  • le « oui » que nous avons à devenir  (1)

Comme je suis, si souvent, « non »!

Comme je suis encombrée, obstruée!

Comme je fais barrage à ce que je pressens de vérité, de grandeur, de liberté tout au fond de moi!

Il s’agit donc d’y aller voir, tout au fond de ce moi. D’en traverser les couches de mémoire, d’aller jusqu’aux fondations. Pour parvenir jusqu’à soi-même, une façon est de mettre au jour les traumatismes et les blessures psychiques qui interfèrent depuis les zones inconscientes de notre être, à l’insu de notre conscience, de les rendre conscients et de les guérir, comme l’on fait d’une blessure corporelle, afin de ne plus les subir.

A ce rayon, nombreuses sont les voies, les méditations, les chemins de découverte de soi proposés. L’on peut procéder par le corps ou par la psyché, ou par une approche combinant les deux. Le corps et la psyché sont en constante interaction. Notre être est la résultante de forces biologiques courant à travers l’évolution du vivant combinées aux expériences vécues dès notre conception. Nos comportements au quotidien, répétitifs, sont des effets de ces forces et de ces expériences, probablement emmagasinées dans des niveaux de mémoires plus ou moins profonds.

Ce sont ces forces et les expériences vécues et retenues par les mémoires profondes qui forgent notre personnalité unique et permettent de la conserver tout au long d’une vie.

Ancrées dans l’inconscient, elles nous gouvernent, et font, de l’humain, d’abord un homme traumatique, un homme-robot, articulé autour de l’habitude mentale consistant à rejeter les sensations douloureuses et à rechercher les sensations plaisantes.

Alors, peut-être, du fond du coeur, un « oui » à la vie va surgir.

L’être humain est une merveille de complexité sans cesse en mouvement. Il est donc difficile de se connaître et vraisemblablement n’est-ce que partiellement possible. Même pour se découvrir un peu, cela demande du courage et de la persévérance, car c’est au-devant de douleurs et de souffrances que l’on va.

Peut-être est-il prudent de se faire aider afin d’éviter embûches, impasses, fausses routes. Mais avancer dans la connaissance de la condition humaine et de la découverte de soi apaise nombre de souffrances, éclaire, ouvre, désencombre.

Les réactions automatiques peuvent être repérées, transformées en action. La vie s’améliore. Des relations plus authentiques sont possibles. La vérité fait son chemin au travers des brouillards intérieurs et ponctuellement pointe sa lumière. Le regard parfois change, « décolle » de l’emprise de ce moi et des autres, l’être devient plus libre, plus perméable et plus transparent au pressenti profond.

C’est comme si, sur notre écran intérieur, des applications nocives, mortifères, sont débranchées, ouvrant un espace de choix de vie, laissant voir qu’il y a dans l’homme, dans la femme, plus que l’homme, plus que la femme.

Alors, peut-être, du fond du coeur, un « oui » à la vie va surgir. Peut-être vais-je entendre Celui qui frappe à la porte…, et lui ouvrir. Vie de ma vie.

Désormais, « il n’y a qu’une seule chose nécessaire, celle que Jésus conseille à Marthe lorsqu’elle s’agite, en défendant Marie qui écoute et contemple. Une seule chose est nécessaire, justement de Le regarder, de L’écouter, de revenir à Lui et de se perdre en Lui. »   (2)

Notes:

(1) citations de Maurice Zundel, in « Vie, Mort, Résurrection » p. 19, 21, 30, 42 – Ed. Anne Sigier

(2) Maurice Zundel, in « Silence Parole de vie », Inconscient et Nouvelle Naissance – Ed. Anne Sigier

(3) En italique, des expressions souvent rencontrées dans les livres de Maurice Zundel, de même que parfois chez d’autres auteurs, dont Simone Pacot, in « L’évangélisation des profondeurs » – Ed. Points

Dominique Jaccard Etter

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