S’effacer en Christ

22e dimanche du TO, 
Année A, 3 septembre 2023, Matthieu 16, 21-27

D’une conférence de Maurice Zundel donnée au Cénacle de Genève le 5 février 1967.

Si cette Communauté-sacrement, que nous appellerons l’Église, doit vraiment présenter le Christ et préserver le caractère unique de cette Révélation, il faut que cette Communauté soit en état de totale démission et c’est bien cela qui la caractérise.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là,
Jésus commença à montrer à ses disciples
qu’il lui fallait partir pour Jérusalem,
souffrir beaucoup de la part des anciens,
des grands prêtres et des scribes,
être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part,
se mit à lui faire de vifs reproches :
« Dieu t’en garde, Seigneur !
cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre :
« Passe derrière moi, Satan !
Tu es pour moi une occasion de chute :
tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes. »

Alors Jésus dit à ses disciples :
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite,
qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix
et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie
la perdra,
mais qui perd sa vie à cause de moi
la trouvera.
Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il
à gagner le monde entier,
si c’est au prix de sa vie ?
Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges
dans la gloire de son Père ;
alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

Conférence, Genève, 1967
Mise en ligne: 31.08.23
Temps de lecture: 2 mn

Quand saint Paul tance ses Corinthiens, parce qu’ils se réclament les uns de lui, les autres de Képhas, les autres d’Apollos, il demande: «Est-ce que c’est Paul qui a été crucifié pour vous, est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés? Non. Paul n’est rien, Pierre n’est rien, Jacques n’est rien, Apollos n’est rien: c’est le Christ qui est tout et nous ne sommes, nous, que des ministres, des serviteurs et, au sens le plus profond, des sacrements, des signes qui présentent et qui communiquent dans la mesure même où ils s’effacent totalement dans le Christ».

La marche de l’Église sera donc extrêmement difficile

Quand ils ne s’effacent plus, ce n’est plus Lui, ce n’est plus l’Église.

Et, pour nous convaincre, nous n’avons qu’à relire le chapitre 16 de saint Matthieu. A quelques lignes de distance, nous voyons Jésus illustrer le surnom qu’il a donné lui-même à Simon, fils de Jean, ce surnom de Pierre, dont il l’a investi et dont il va maintenant lui révéler la signification, après que Pierre a reconnu la messianité de Jésus dans un sursaut de foi inspirée: «Tu es le Christ, le Fils de Dieu»; mais Pierre témoigne combien peu il est entré dans le sens profond de cette messianité, puisqu’il veut détourner le Christ des perspectives sanglantes que Jésus vient d’évoquer, car il ne peut pas les laisser sous cette impression d’un messianisme triomphant, miraculeux et il leur rappelle que tout cela s’achèvera par la croix, c’est-à-dire par la défaite, l’échec et la catastrophe.

Alors, Pierre le prend à part, l’exhorte, veut l’arracher à ces pensées funestes et il reçoit cette rebuffade terrible: «Retire-toi de moi, Satan».

Voilà donc le même homme qui est Pierre et Satan, selon qu’il s’efface dans le Christ ou qu’il retourne à ses propres affaires.

Quand il veut suivre ses rêves, ses ambitions personnelles, il est Satan, il est l’adversaire de l’Esprit, comme chacun de nous le devient d’ailleurs quand il trahit. Il n’est Pierre que dans la mesure où il cesse d’être lui-même, où il s’efface dans le Seigneur, où il devient diaphane à sa Présence et où, en état d’absolue pauvreté, il le laisse transparaître en lui.

Et voilà justement tout le mystère de l’Église. Entre Pierre et Satan, il faut choisir et nous ne sommes liés qu’à Pierre, c’est-à-dire à l’homme quand il est un pur sacrement, à l’homme quand il est en état d’absolue démission et de radicale pauvreté, mais nous ne sommes pas liés à Satan, c’est-à-dire aux ténèbres, c’est-à-dire aux refus, c’est-à-dire à l’absence, c’est-à-dire à tout ce qui limite Dieu, le défigure et en fait une idole.

Il y a là un discernement à exercer à chaque instant, pour que nous ne nous livrions pas aux ténèbres, mais que nous soyons les disciples de la lumière et les témoins de cette lumière.

La marche de l’Église sera donc une marche extrêmement difficile, puisqu’il faudra constamment que l’homme se retrempe et se libère de soi-même pour demeurer transparent à la Révélation unique, c’est-à-dire à la Présence même du Seigneur dont la lumière est la source de notre liberté.

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