Que dis-tu de toi-même?

3e dimanche de l’Avent, Année B,
17 décembre 2023, Jean 1, 6-8 et 19-28

D’une homélie de Maurice Zundel pour le troisième dimanche de l’Avent, donnée à Lausanne en 1959. (éditée dans Ton visage, ma lumière, p. 95 s)

Vous avez entendu tout à l’heure cette question dramatique posée par les pharisiens à Jean le Baptiste: «Que dis-tu de toi-même?» (Jn 1, 22). Cette question, comment le Baptiste pouvait-il y répondre, comment un être peut-il dire: «Voilà ce que je suis»?

Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
son nom était Jean.
Il est venu comme témoin,
pour rendre témoignage à la Lumière,
afin que tous croient par lui.
Cet homme n’était pas la Lumière,
mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Voici le témoignage de Jean,
quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem
des prêtres et des lévites
pour lui demander :
« Qui es-tu ? »
Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement :
« Je ne suis pas le Christ. »
Ils lui demandèrent :
« Alors qu’en est-il ?
Es-tu le prophète Élie ? »
Il répondit :
« Je ne le suis pas.
– Es-tu le Prophète annoncé ? »
Il répondit :
« Non. »
Alors ils lui dirent :
« Qui es-tu ?
Il faut que nous donnions une réponse
à ceux qui nous ont envoyés.
Que dis-tu sur toi-même ? »
Il répondit :
« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert :
Redressez le chemin du Seigneur,

comme a dit le prophète Isaïe. »
Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.
Ils lui posèrent encore cette question :
« Pourquoi donc baptises-tu,
si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
Jean leur répondit :
« Moi, je baptise dans l’eau.
Mais au milieu de vous
se tient celui que vous ne connaissez pas ;
c’est lui qui vient derrière moi,
et je ne suis pas digne
de délier la courroie de sa sandale. »

Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain,
à l’endroit où Jean baptisait.

Homélie, Lausanne, 1959
Mise en ligne: 15.12.23
Temps de lecture: 3 mn

De toutes les questions, en effet, qui puissent nous être posées, c’est de toutes la plus difficile et aucun de nous n’est capable d’y répondre!

nous ne pouvons trouver ce secret et ce mystère que nous sommes

Si l’on nous demande: «Que dis-tu de toi-même?», si nous tentons de donner à cette question une réponse, nous verrons immédiatement l’impossibilité de le faire. Nous ne savons pas qui nous sommes et, quand nous cherchons à le définir, nous trouvons un être préfabriqué qui peut bien entrer dans certaines catégories psychologiques, mais jamais nous ne pourrons trouver ce secret et ce mystère que nous sommes, ce secret qu’une mère cherche dans son petit enfant. Elle le regarde, il lui sourit… Qu’est-ce qu’elle cherche à travers ce sourire, sinon la révélation de ce qu’il est?

C’est bien cela, en effet, le premier élan de l’amour: demander à l’être aimé qui il est: la mère à son enfant, l’homme à la femme, la femme à l’homme. (…)

Cette question qui paraît simple est donc une des questions les plus profondes et les plus insolubles, tout au moins quand on la pose directement et que l’on demande à un être: «Mais toi, que dis-tu de toi-même?» (…)

Il y a en nous une possibilité – une seule – d’atteindre à nous-même, une seule possibilité de répondre à la question: «Et toi, que dis-tu de toi-même?», c’est de nous perdre de vue, de regarder l’éternelle Beauté et de nous dire à Dieu, en Dieu et pour lui.

C’est par là que nous rejoignons le mystère de la très Sainte Trinité. La Trinité, ça nous paraît si souvent abstrait, lointain, et voilà tout d’un coup que nous devinons! En effet, Dieu lui-même ne peut pas se dire à lui-même qui il est, à moins de le dire à un Autre et pour lui. Il y a donc en Dieu toute une vie qui se communique, il y a en Dieu tout un secret qui s’échange, il y a en Dieu une naissance, comme il y a en Dieu une paternité! Dieu ne peut se dire que comme un secret qui va du Père au Fils et du Fils au Père; comme Dieu n’atteint à l’Amour que dans une communication qui va du Père et du Fils au Saint-Esprit, et du Saint-Esprit au Père et au Fils.

Et c’est parce que Dieu est Trinité, c’est parce qu’il est communication dans l’Amour, c’est parce qu’il est cette éternelle musique qui ne peut jaillir que dans un élan de générosité, c’est à cause de cela que la religion de Jésus est ce qu’elle est.

Justement, Jésus vient pour faire jaillir en nous cette musique silencieuse. Il vient pour nous apprendre qui nous sommes. Il vient pour nous introduire dans cette suprême connaissance de nous-même: cette connaissance qui est une naissance, car, justement, pour nous connaître, il faut que nous naissions en Dieu et que nous le laissions naître en nous.

Et la merveille, c’est que toute la grandeur, toute la sainteté chrétienne soit axée sur cet échange intérieur: Dieu qui est le suprême Amour nous demande justement ce que toujours l’amour demande.

Comme la mère: la mère désire à travers le sourire de son petit enfant, atteindre au mystère de son âme; comme le fiancé dans la fiancée, ou l’époux dans l’épouse, cherche le secret inépuisable de l’être humain! Dieu nous demande – et c’est la seule chose qu’il nous demande – de devenir cette réponse de lumière, cette réponse de générosité, de découvrir qui nous sommes et de le lui confier en nous perdant en lui, en naissant dans notre coeur et de son coeur, et en le laissant naître dans notre coeur et de notre coeur. (…)

C’est à cela que nous ramène l’Evangile d’aujourd’hui: «Que dis-tu de toi-même?» Il y a une sagesse chrétienne qui est infinie, une sagesse agenouillée, une sagesse transparente, une sagesse infinie, une sagesse inimitable, une sagesse fondée sur le don de soi, sur la pauvreté selon l’esprit, sur la générosité. Et c’est à cette sagesse que nous sommes tous invités aujourd’hui, à ce banquet de l’éternelle Sagesse.

Oh! Comme il nous faut écouter cette voix de l’Evangile: «Et toi, que dis-tu de toi-même?» Et dès que cette question sera parvenue à l’avant-scène de notre esprit, nous sentirons tous et chacun, qu’il n’y a pas d’autre réponse que d’écouter la musique intérieure, que d’aller jusqu’au bout du silence, jusqu’à ce qu’enfin aux racines de notre être nous rencontrions ce visage bien-aimé qui nous attend. Et alors, tout d’un coup, nous sentirons que nous sommes nés, que nous commençons à exister dans la plénitude de notre être, parce que, cessant de nous regarder, nous nous verrons dans ce miroir de l’éternel Amour et que Dieu, en suscitant en nous ces immenses espaces de lumière et de générosité, nous aura révélé à la fois sa grandeur et la nôtre, dans cet échange sans fin qui est la vie de maintenant et qui, dans la vie de maintenant, est déjà la seule vie éternelle!

Car la vie éternelle, c’est justement de connaître Dieu et de l’aimer. Et comment le connaître et l’aimer, sinon en naissant de lui et en le laissant naître en nous et de nous?

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