Paraboles et pédagogie

15e dimanche du Temps ordinaire,
Année A, 16 juillet 2023, Matthieu 13, 1-23

D’une homélie de Maurice Zundel donnée à Lausanne en 1959.

L’Évangile de ce dimanche nous rapporte la Parabole du Semeur et, en particulier, la raison pour laquelle Jésus recourt à la parabole.

La Parole de Dieu est contrainte de se voiler pour s’adapter à la faible intelligence des hommes, à leur lenteur, à leur épaisseur, voire même à leurs mauvaises dispositions.

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison,
et il était assis au bord de la mer.
Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes
qu’il monta dans une barque où il s’assit ;
toute la foule se tenait sur le rivage.
Il leur dit beaucoup de choses en paraboles :
« Voici que le semeur sortit pour semer.
Comme il semait,
des grains sont tombés au bord du chemin,
et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux,
où ils n’avaient pas beaucoup de terre ;
ils ont levé aussitôt,
parce que la terre était peu profonde.
Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé
et, faute de racines, ils ont séché.
D’autres sont tombés dans les ronces ;
les ronces ont poussé et les ont étouffés.
D’autres sont tombés dans la bonne terre,
et ils ont donné du fruit
à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un.
Celui qui a des oreilles,
qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent :
« Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »
Il leur répondit :
« À vous il est donné de connaître
les mystères du royaume des Cieux,
mais ce n’est pas donné à ceux-là.
À celui qui a, on donnera,
et il sera dans l’abondance ;
à celui qui n’a pas,
on enlèvera même ce qu’il a.
Si je leur parle en paraboles,
c’est parce qu’ils regardent sans regarder,
et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre.
Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe :
Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas.
Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Le cœur de ce peuple s’est alourdi :
ils sont devenus durs d’oreille,
ils se sont bouché les yeux,
de peur que leurs yeux ne voient,
que leurs oreilles n’entendent,
que leur cœur ne comprenne,
qu’ils ne se convertissent,
– et moi, je les guérirai.

Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient,
et vos oreilles puisqu’elles entendent !
Amen, je vous le dis :
beaucoup de prophètes et de justes
ont désiré voir ce que vous voyez,
et ne l’ont pas vu,
entendre ce que vous entendez,
et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur.
Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre,
le Mauvais survient
et s’empare de ce qui est semé dans son cœur :
celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.
Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux,
c’est celui qui entend la Parole
et la reçoit aussitôt avec joie ;
mais il n’a pas de racines en lui,
il est l’homme d’un moment :
quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole,
il trébuche aussitôt.
Celui qui a reçu la semence dans les ronces,
c’est celui qui entend la Parole ;
mais le souci du monde et la séduction de la richesse
étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit.
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre,
c’est celui qui entend la Parole et la comprend :
il porte du fruit
à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »

Homélie, Lausanne, 1959
Mise en ligne: 11.07.23
Temps de lecture: 3 mn

Les âmes de bonne volonté en seront seules touchées et orientées vers une connaissance plus parfaite. Les âmes de lumière comprendront le sens miséricordieux de cette pédagogie et verront plus loin que les mots. Les âmes doubles et insincères en seront choquées et s’aveugleront davantage.

Dieu nous appelle à devenir pure générosité.

Rien n’est plus précieux pour nous que cette mise en garde par laquelle Jésus lui-même nous apprend qu’une révélation divine peut être imparfaite; davantage: qu’elle doit l’être à certains moments, pour atteindre les hommes tels qu’ils sont, puisque lui-même est contraint de recourir à un enseignement dont il reconnaît explicitement l’imperfection.

On commettrait une erreur en disant: toute Parole de Dieu est nécessairement vraie, d’une vérité absolue en n’importe quel verset de la Bible. De nombreux passages peuvent être vrais d’une vérité simplement pédagogique, comme préparation à une plus profonde intelligence de Dieu. Et l’on peut dire, dans un certain sens, que tout l’Ancien Testament n’est qu’une immense parabole qui prépare et attend la révélation du Nouveau.

Dans le Nouveau Testament, il faut encore admettre des distinctions. Jésus est sans doute la révélation plénière et définitive de Dieu. Mais il ne livre cette révélation à la foule que sous le voile des paraboles.

L’éducation des apôtres eux-mêmes se fait lentement et par paliers successifs. Elle demeure d’ailleurs inachevée. C’est l’Esprit saint qui la complétera et la scellera dans le baptême du feu de la Pentecôte. Car, c’est alors seulement que l’esprit et le cœur des disciples seront capables d’entendre toute la vérité.

On voit clairement par là que la connaissance de Dieu croît et grandit dans l’homme en même temps que l’homme croît et grandit en Dieu, comme le suggère la sixième Béatitude: Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. On peut en conclure que la manière dont un homme parle de Dieu implique un jugement sur lui-même, contient un aveu de ce qu’il est, dès qu’il dépasse la simple récitation du texte sacré ou de la tradition dogmatique.

A quel moment sommes-nous sûrs, à la fois, que la révélation divine est bien définitive et que l’homme ne la défigure pas, en y mêlant ses propres limites?

La première Béatitude nous donne la réponse, dont saint François nous offre l’indépassable commentaire: Heureux ceux qui ont une âme de pauvre. Ceux qui sont vides de toute possession, ceux qui n’ont aucune propriété à défendre, offrent, seuls, à la Vérité l’espace de lumière sans limites où elle peut se répandre et se révéler elle-même, comme la transparence absolue de la divine Pauvreté.

S’il faut devenir pauvre pour connaître vraiment Dieu, c’est parce qu’en Dieu, la lumière jaillit de la perfection de l’amour, d’où toute possession est radicalement exclue. Nous retrouvons ici, la communication totale, le don parfait qui constituent l’être et la vie des trois personnes divines.

Dieu est le grand pauvre qui nous appelle à devenir ce qu’il est, dans l’échelle de grandeur qui est la sienne et qui est de pure générosité.

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