Noël: l’Amour, c’est se donner

Billet de Maurice Zundel pour le bulletin de la paroisse du Sacré-Cœur (Ouchy, Lausanne) en 1958.

Comme en 1958, il y a aujourd’hui tension et angoisse. Zundel ouvre le chemin de l’espérance à partir du mystère de Noël.

Est-ce que l’Amour aura le dernier mot? C’est la question qu’il est impossible de réprimer en cette fin d’année où la compétition atomique a atteint l’étape décisive qui fait de l’énergie nucléaire la seule arme efficace dans le conflit où s’opposent les deux moitiés du monde.
« Généalogie de Jésus, Christ, fils de David » (Mt 1, 18-25)

Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ;
avant qu’ils aient habité ensemble,
elle fut enceinte
par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux,
qui était un homme juste,
et ne voulait pas la dénoncer publiquement,
décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet,
voici que l’ange du Seigneur
lui apparut en songe et lui dit :
« Joseph, fils de David,
ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse,
puisque l’enfant qui est engendré en elle
vient de l’Esprit Saint ;
elle enfantera un fils,
et tu lui donneras le nom de Jésus
(c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve),
car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Tout cela est arrivé
pour que soit accomplie
la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Voici que la Vierge concevra,
et elle enfantera un fils ;
on lui donnera le nom d’Emmanuel,

qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».

Quand Joseph se réveilla,
il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :
il prit chez lui son épouse,
mais il ne s’unit pas à elle,
jusqu’à ce qu’elle enfante un fils,
auquel il donna le nom de Jésus.

Billet, Lausanne, 1958
Mise en ligne: 24.12.23
Temps de lecture: 2 mn

L’humanité va-t-elle périr par la folle décision, de quelque côté qu’elle vienne, d’en finir une bonne fois par l’anéantissement de l’adversaire? La fin de l’histoire serait-elle provoquée par une faute planétaire qui nous engloberait tous comme son commencement s’enténèbre dans la faute originelle?

Il n’est qu’une manière de sauver la vie, c’est de la donner.

Se peut-il que le mal triomphe et que Dieu abandonne à la haine cette terre, où saint François découvrait à chaque pas l’empreinte de Son visage?

Comment la foi pourrait-elle résister à une telle épreuve et nourrir une quelconque espérance dans une catastrophe qui ferait conclure à l’absence ou à l’impuissance de Dieu?

C’est l’angoisse de Pierre au lavement des pieds, c’est son drame à l’heure du reniement: comment admettre l’humiliation et l’échec de Dieu? ll ne comprendra que plus tard, dans la lumière pascale, que mourir d’amour, c’est vaincre la mort.

Le mystère de Noël prélude à cette découverte paradoxale, en axant sur la fragilité d’un nouveau-né, sans abri, le salut promis et attendu comme le suprême espoir de l’homme et de l’univers. La puissance change de signe. Elle ne consiste plus à dominer en pliant tout à son empire, elle est le pouvoir de se donner, où la liberté révèle son vrai visage.

Celui qui donne sa vie, en effet, est délivré de toute crainte comme il est délié de toute servitude. Il n’attend plus que la terre le porte, que la société le protège et l’enracine dans sa biologie, comme un enfant rivé au sein maternel et incapable d’une vie autonome et créatrice. C’est lui qui porte le monde et l’humanité dans l’élan où la grâce triomphe de sa pesanteur, en faisant de tout son être une offrande qui éternise sa présence au moment même où il semble tout quitter, comme cela éclate, précisément, dans la mort de saint François.

C’est ainsi que la Croix poursuit sa marche victorieuse et que Dieu nous donne sa réponse dans les martyres, les témoins, qui découvrent, en décollant d’eux-mêmes, que sa puissance n’est rien d’autre que son amour: le don qu’il fait de soi, le don qu’il est. Telle est l’espérance de Noël: il n’est qu’une manière de sauver la vie, c’est de la donner.

L’amour seul peut, en effet, la soustraire aux dépendances cosmiques qui en font un fragment d’univers, et lui conférer la dignité personnelle où elle devient source et origine, lumière et valeur. C’est pourquoi il n’est pas illusoire de penser qu’il aura le dernier mot, si nous le voulons, puisque aujourd’hui, comme à n’importe quel moment de l’histoire, l’amour seul est plus fort que la mort.

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