De Jean le Baptiste à Jésus

3ème dimanche de l'Avent, 12 décembre 2021, Année C, Luc

Le troisième dimanche de l’Avent, en 1965, à Lausanne, dans la paroisse de Notre-Dame du Valentin, Maurice Zundel a prononcé six homélies, toutes différentes. Elles ont été enregistrées par des auditeurs passionnés, puis retranscrites. Elles ont été publiées dans Ta Parole comme une source, p. 35-56. Le texte qui suit est tiré de la dernière homélie, celle du dimanche soir.

Il y a en ce moment à Paris dans la prison de la Santé un homme qui a tué sa femme le soir de Noël, qui a tué sa femme à coups de couteau devant sa petite fille.

Homélies, Lausanne (Suisse) 1965
Mise en ligne: 7.12.21
Temps de lecture: 2 mn

"Saint Jean-Baptiste enfant" (Paul Dubois), Paris - Musée d'Orsay

Si nous écoutons notre instinct de justice, il nous paraît normal que cet homme soit mis à mort, qu’il expie par sa propre mort la mort affreuse qu’il a infligée à sa femme sous les yeux de sa petite fille.

En Jésus-Christ, la non-violence a fait son entrée dans le monde

C’est ce que Jean Baptiste pensait lui aussi.

Il avait dans l’esprit, il pensait, qu’à la justice doit correspondre la sanction et que la colère de Dieu devait s’abattre sur un peuple infidèle et prévaricateur; et il avait annoncé en effet le jour de la colère de Dieu, il avait annoncé ce jugement qui devait, dans un intervalle très bref, liquider toute la situation d’une Palestine occupée par l’ennemi, souillée par les idolâtries et défigurée par les pécheurs.

Et voilà justement que ce jour de la colère n’éclate pas, que ce Messie qu’il avait reconnu comme tel, qui ne fait rien, qui ne se presse pas en tout cas, que non seulement il n’y a pas en lui de vengeance, mais que ce Messie singulier se commet avec les pécheurs, qu’il vit en mauvaise compagnie, qu’il accepte le contact de gens suspects…

Et c’est Jean dans sa prison, Jean de la sainte colère qui s’étonne, qui s’émeut, qui se scandalise, qui veut en avoir le cœur net: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?»

C’est toujours la même question et à cette question, il n’y a qu’une réponse: du côté de Dieu, c’est la Croix, où justement Il va prendre sur lui le mal, où Dieu, au lieu d’éclater dans une sainte colère et de détruire les pécheurs par le souffle de sa bouche, va s’identifier avec le mal, va l’assumer, va faire contrepoids avec son Amour afin de nous introduire dans son Royaume, dans ce Royaume de grâce où il n’y a pas de vengeance, où il n’y a pas de violence et où l’Amour a toujours le dernier mot.

Nous comprenons Jean, nous comprenons son impatience, nous comprenons son appétit de justice, puisque cela relève de ce vieux fonds instinctif en nous et nous sommes toujours surpris de découvrir en Dieu une autre justice qui est celle de la Croix, parce que nous n’avons pas encore compris que le bien est Quelqu’un à aimer et non pas quelque chose à faire.

Il ne s’agit pas de se conformer à un programme tout fait, établi du dehors et qui nous serait imposé par une autorité redoutable et impassible;

il s’agit d’entrer en contact avec un cœur, il s’agit de nouer une amitié, il s’agit de vivre une vie d’intimité, il s’agit de nous échanger avec Quelqu’un qui est tout Amour et qui ne peut être reconnu par nous que dans la mesure où son intimité s’enracine dans la nôtre.

C’est ce qu’il y a au fond de l’Évangile: il y a une autre conception du bien, il y a une autre révélation de la dignité et de la grandeur humaines.

Nous ne sommes pas des esclaves. Dieu n’est pas un maître.

Nous sommes dans un mariage d’amour. Nous sommes dans un secret d’amitié.

Nous sommes enveloppés d’une tendresse infinie.

Nous sommes honorés par un respect qui a la Croix pour mesure et Dieu, devant nous, n’attend qu’une chose, c’est cette ouverture de notre cœur qui lui permettra de vivre sa vie au-dedans de nous, comme l’être qui aime, aspire à vivre en l’être aimé dans l’espace de lumière qui est le don de l’amour.

Nous avons donc à passer d’une conception de la justice primitive et très humaine à une autre conception de la justice infiniment haute et divine, dont la Croix est la source et le ferment.

En Jésus-Christ, la non-violence a fait son entrée dans le monde: non pas la faiblesse, non pas la tolérance à l’égard de n’importe quoi, mais la non-violence comme la révélation d’une autre humanité, d’un autre Dieu, d’une autre morale.

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