Saint-Sacrement: Faire de nous une présence réelle

Dimanche du Saint-Sacrement | Année A | Jn 6, 51-58

Peut-on imaginer que notre Seigneur nous ait donné l’Eucharistie pour que nous refabriquions un culte idolâtrique, pour que nous puissions le posséder là, à la portée de notre main, en l’enfermant dans une boîte pour qu’il soit bien à nous?

Conférence lors d’une retraite
à l’Abbaye de la Rochette (Savoie)
en 1963
Mise en ligne: 10.06.20
Temps de lecture: 2 mn

"A travers l'Eucharistie, le Seigneur a voulu établir entre lui et nous toute la distance de la foi" | DR

Peut-on concevoir un pareil matérialisme de la part du Seigneur? Peut-on imaginer qu’il ait dérobé sa présence visible aux Apôtres pour nous restituer dans l’hostie un foyer d’idolâtrie, comme si nous pouvions disposer de Dieu comme on le fait d’un objet? C’est absolument impossible. C’est le contraire.

Ce que notre Seigneur a voulu, c’est établir entre lui et nous toute la distance de la foi, toute la distance de l’amour, exactement toute la distance qui mesure l’écart entre notre moi biologique et notre moi oblatif.

Car nous ne pouvons l’atteindre qu’à travers notre moi oblatif, nous ne sommes en contact avec lui que dans la mesure où nous décollons de nous-même.

Et c’est justement ce décollement qu’il a voulu provoquer dans l’Eucharistie en établissant entre nous et lui toute l’humanité et tout l’univers.

Comme toujours, notre Seigneur en l’Eucharistie nous oriente vers l’homme.

Pour venir à moi, nous dit le Christ, pour me trouver réellement, pour ne pas trouver une caricature et une idole, pour ne pas recommencer l’illusion mortelle des Apôtres, il faudra que vous assumiez toute l’humanité et tout l’univers – au moins en intention, c’est-à-dire avec toutes les énergies dont vous disposez en ce moment même.

Quand vous aurez formé ensemble mon Corps mystique, quand vous serez tous réunis autour de ma table, alors, ce sera le moment de m’appeler, et je n’hésiterai pas à répondre.

Il est clair que ce sont là les intentions du Seigneur, et c’est pourquoi l’Eucharistie n’a pas besoin d’être nommée dans les derniers entretiens rapportés par saint Jean, parce qu’elle est implicitement contenue dans le commandement de l’amour, dans la consigne suprême et le Lavement des pieds.

Comme toujours, notre Seigneur en l’Eucharistie nous oriente vers l’homme. Jésus sait toutes les impostures que l’on peut mettre sous le nom de Dieu, puisqu’il va en être victime.

C’est au nom de Dieu qu’on va le tuer, qu’on va le crucifier. C’est au nom de Dieu qu’on déclarera que sa présence est un danger public et qu’il faut l’éliminer pour que le peuple soit sauvé.

C’est le grand-prêtre – prophète, puisque grand-prêtre cette année-là – qui fera cette déclaration. Rien n’est plus officiel, rien n’est plus religieux que cette sentence et cette condamnation.

Comment peut-elle être exécutée, pensée et conçue au nom du vrai Dieu? C’est impossible. Il est clair qu’il s’agit d’un faux dieu à l’image de celui qui prononce ce jugement. Jésus savait que les faux dieux pullulent sous le couvert du vrai et que, seule, peut nous guérir de l’idolâtrie la charité qui nous oriente vers l’homme.

L’homme a des besoins réels. Pour s’adapter à tous et à chacun, il faut décoller de soi-même, il faut réaliser cette nouvelle naissance, il faut passer du dehors au-dedans, il faut se surmonter soi-même réellement et être toujours disponible à l’amour de Dieu qui n’est jamais absent.

Lorsque je dis: le Seigneur répondra à la communauté rassemblée, à cette communauté qui porte, dans Ignace d’Antioche, le nom d’agapè, c’est-à-dire d’amour, «le Seigneur répondra» est encore une manière humaine de parler.

Le Seigneur répond toujours. Il est toujours là: c’est nous qui ne sommes pas là. L’humanité de Jésus est toujours avec nous. Davantage: elle est toujours en nous, car c’est à travers la sainte humanité de notre Seigneur que toute grâce nous est toujours communiquée. Et, puisque la grâce est ce que nous avons de plus intime, que c’est la grâce qui suscite notre intimité délivrée, nul doute que l’humanité de notre Seigneur soit avec nous dans une proximité insurpassable. (…)

Notre Seigneur va nous demander, pour nous approcher de lui, c’est-à-dire pour entrer en contact réel avec sa présence, qui ne manque jamais, de faire de nous une présence réelle, une présence universelle, une présence catholique, sans frontière, une présence où tout homme se sent accueilli et où tout l’univers peut faire un nouveau départ.

C’est là le sens de l’Eucharistie: vous ne pourrez venir à moi qu’ensemble. Vous ne serez habilités à m’appeler que si vous ne formez plus qu’un seul corps, mon Corps mystique qui, seul, est en prise sur son chef, moi-même.

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