Extrait homélies – Dans le but de susciter en nous un élan de pure générosité

31/10/2005
octobre 2005

Homélies de Maurice Zundel, extraits du livre : « Ta parole comme une source »
Dans le livre : « Ta parole comme une source, 85 sermons inédits de Maurice Zundel » (éditions Anne Sigier / Desclée 1987) on peut lire 4 merveilleuses homélies pour la fête de la Toussaint. Vous en trouverez ici quelques extraits. Ces homélies sont toujours très actuelles, C’est ici l’occasion de redire combien il est important de lire et relire Zundel pour seulement commencer à pénétrer dans sa pensée si libératrice. Heureux celui qui accepte d’y passer quelque temps chaque jour !

Nous n’avons pas pris conscience de ce mystère infini que nous sommes.

…Notre vie est le plus souvent une mise en scène, un faux-semblant… nous nous arrangeons pour faire des bonnes œuvres qui nous donnent le sentiment que nous sommes en règle, nous recevons des sacrements dont nous attendons une sanctification sans un engagement total et foncier de nous-mêmes.

Et l’on pourrait nous dire, à chacun de nous, ce que le poète arabe disait à sa fiancée qui s’appelait Leïla et qui venait à lui avec une parure extravagante et dans un nuage de parfums : « ôte-toi de là, ôte-toi de là, lui disait-il, tu m’empêches de voir Leïla, tu m’empêches de voir Leïla ! » C’est-à-dire que tu es, que tu as fait de toi-même un personnage truqué ! Ce n’est pas cela que je cherche en toi. Tu vas me chercher la vraie Leïla, la Leïla authentique… celle-ci est pour moi une source, une origine, un commencement, un mystère inépuisable.

Et ce mot, justement, nous met sur la voie : ce qui nous manque, ce qui nous amène à fabriquer cette idole, à voir en Dieu un étranger qui nous limite et nous menace, c’est que nous n’avons pas pris la mesure de notre propre vie. Nous n’avons pas pris conscience de ce mystère infini que nous sommes. Entre nous-mêmes et nous-mêmes il y a justement une distance infinie, et le temps n’est pas autre chose que cette distance de nous-mêmes à nous-mêmes.

Le sens de notre vie, c’est d’aller vers nous-mêmes, c’est, à partir de ce personnage fabriqué de cette Leïla toute en parures et toute en parfums, d’aller vers la vraie Leïla, vers cette divine source authentique qui est un mystère accompli, une générosité qui s’est donnée tout entière. Notre vie est un mouvement. Notre vie est une marche vers nous-mêmes, de ce moi animal, de ce moi propriétaire, de ce moi qui nous a été imposé, de ce moi auquel nous sommes accrochés par toutes les fibres de notre biologie animale, de ce moi possessif qui nous limite et nous circonscrit dans des frontières rigoureuses, il nous faut aller de ce moi vers un autre moi, celui que consacre la déclaration des droits de l’homme, ce moi qui fonde notre dignité, ce moi qui est si précieux que pour défendre une conscience humaine, il faut mobiliser toutes les ressources de la terre et de l’humanité. Oui, il faut aller vers ce moi-dignité, mais qui est à la fin ce moi vers lequel nous sommes en route, ce moi dont il faut faire la conquête, ce moi qui deviendra en effet infiniment précieux comme un bien commun à la conservation duquel toute l’humanité est intéressée, ce moi où nous serons enfin nous-mêmes dans notre véritable identité.

Et c’est précisément dans cette marche vers nous-mêmes que nous rencontrons le Dieu vivant non pas comme un étranger qui est là-bas, après la mort ! Mais comme une Source, maintenant, au-dedans de nous, comme une Source qui jaillit en vie éternelle !

Car il nous est absolument impossible de nous déprendre, de nous défaire, de nous affranchir de ce moi animal, tant que nous n’aurons pas rencontré une générosité qui nous appelle, qui suscite en nous un élan de pure générosité dans lequel nous nous dépassons en nous perdant en elle.