Comment évangéliser notre inconscient ?

Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs, toute âme qui s’élève, toute âme qui s’élève élève le monde : c’est la formule admirable d’Elisabeth Leseur qui nous introduit dans la communion des saints. Et symétriquement, peut-on dire : toute âme qui s’abaisse, abaisse le monde et cette formule, cette formule, cette formule nous introduit dans la communion des ténèbres.

Il y a une communion des saints, il y a une solidarité de tous les êtres de l’univers, tellement que, une décision prise dans le secret de notre conscience se répercute sur toute l’humanité, sur toutes les humanités, sur tout l’univers, sur toute l’histoire, avant et après nous.

Chacun de nous peut entrer, par le choix même qu’il fait de lui-même, s’il s’ouvre à la lumière, chacun de nous entre dans cette communion des saints et accomplit, d’une certaine manière, une fonction angélique, c’est-à-dire qu’il devient, pour les autres, une présence et un ferment de libération.

Mais chacun de nous, en revanche, aussi et malheureusement, chacun de nous, dans la mesure où il s’enracine dans son moi possessif, chacun de nous projette ses propres ténèbres sur toute l’humanité et sur toute la création et accomplit, par-là même, une fonction démoniaque.

Il y a donc, je me répète, mais je crois que cela a de l’importance, il y a donc, chez toute créature douée d’intelligence, cette possibilité d’accomplir une fonction angélique ou une fonction démoniaque.

Nous sommes tous, à cet égard, selon le choix que nous faisons de nous-même, des anges ou des démons. Et, comme nous sommes enveloppés d’ailleurs par des êtres supérieurs à nous – selon le témoignage des Ecritures et très spécialement du Nouveau Testament – ces créatures spirituelles sont naturellement investies de la même possibilité, angélique ou démoniaque, selon le choix qu’elles ont fait d’elles-mêmes.

Ce qui ressort de cela d’abord, c’est que, aucune créature n’a été créée ange dans le sens d’une sainteté accomplie. Toute créature a été appelée à faire le choix d’elle-même et, si elle s’est fixée dans le bien, c’est parce qu’elle l’a voulu et aucune créature n’a été créée démoniaque. Si elle exerce cette fonction, si elle répand ses ténèbres, c’est dans la mesure où elle l’a choisi, en s’enracinant dans son moi possessif.

C’est donc une sorte d’attribut de tous les êtres spirituels de pouvoir faire rayonner la lumière ou de répandre la nuit. Comme nous sommes investis à la fois par ces influences lumineuses et par ces appels des ténèbres, notre champ d’action et notre possibilité de choix s’en trouvent immensément accrus. C’est-à-dire que notre solidarité avec tout l’univers spirituel et tout l’univers matériel, enfin avec toute la création, en est d’autant plus profondément affirmée.

Nous portons le fardeau les uns des autres, nous sommes responsables les uns des autres et nous subissons le contrecoup de l’action de tous ceux qui nous entourent et de tous ceux qui, étant doués d’une nature spirituelle, sont capables d’un choix qui les détermine positivement ou négativement.

Retenons ceci qui est important : Dieu n’a pas créé les démons comme tels, il n’a pas fait le diable comme tel. Il n’a pu créer que des esprits doués d’une liberté, créatrice, qui devaient s’exercer, selon le choix qu’ils avaient à faire d’eux-mêmes.

Ceci n’implique pas que, nous soyons, bien que, enveloppés de toutes ces influences de lumière et de ténèbres, ceci n’implique pas que nous soyons par-là même surdéterminés et que nous ne puissions pas accomplir notre choix personnel. Nous avons précisément à accomplir dans cet immense contexte où toute la création est concernée.

Il reste donc que, quel que soit l’empire des bons anges sur notre vie ou quelles que soient les agressions des anges déchus sur notre existence, il reste que nous restons les arbitres de nous-même et que notre destin, c’est à nous de le fixer, en prenant conscience de toutes les données qui sont en nous. Je veux par-là donc, écarter cette sorte de fatalité qui voudrait que, sous l’empire des influences extérieures à nous- même, notre choix soit entravé et notre responsabilité diminuée.

Si le Christ a fait un tel cas de nous, si il a établi cette équation entre sa vie et la nôtre, s’il a pesé, dans la balance, notre vie au prix de la sienne, dans la balance de son amour, c’est que nous avons donc des possibilités infinies qui mettent en question, comme le choix de toutes les créatures spirituelles, le sens même de la création et le règne de Dieu dans l’univers.

Si donc, finalement, le problème se réduit à notre choix personnel, comment se fait-il que ce choix ne soit pas toujours dans le sens de la lumière ? Pourquoi est-ce que nous sommes-nous si souvent esclaves de nos déterminismes ? D’où vient le mal en nous ? Comment s’introduit-il dans notre existence ? Comment y consentons-nous ? Il semble que ce soit par ce fait que nous demeurons enfermés dans ce moi possessif et que nous devenons ou plutôt que nous sommes possédés par nos possessions.

Il est de toute évidence que, si nous ne sommes pas, dans tout notre être, orientés vers Dieu, vers ce Dieu plus intime à nous-même que le plus intime de nous-même, si nous ne sommes pas en relation avec lui, si nous ne sommes pas un regard vers lui, il est de toute, de toute évidence que nous n’arrivons pas à surmonter toutes ces impulsions au fond de nous-même, qui ne peuvent réaliser leur unité, qui ne peuvent s’harmoniser que dans la mesure, justement,  où elles subissent l’attraction d’un moi oblatif qui les fait toutes converger dans une offrande d’amour à l’éternel amour.

Mais quel est le fond, le fond de ces impulsions ? Qu’est-ce qui les constitue ? Il me semble que, il y a là une donnée cosmique et je me demande, – c’est une question que je pose – si on ne pourrait pas dire, à propos de notre psychisme, comme on le dit, à propos de notre physiologie, comme on dit, en effet, que le fœtus récapitule en quelque sorte toute la phylo, toute la phylogénèse, toute l’histoire de la vie à travers son ascension vers l’homme.

Est-ce que, dans notre psychisme, on ne retrouverait pas aussi toutes les étapes de cette évolution ? J’entends : est-ce que l’animal le plus primitif n’est pas au fond de nous-même ? Et tous ces développements à travers tous les rameaux de la vie animale, est-ce que tout cela n’est pas en nous comme un appel ? Est-ce que il n’y a pas des comportements humains qui rappellent des comportements animaux et qui semblent justement indiquer que, en nous, demeurent certaines fixations, certaines empreintes de ce développement de la vie jusqu’à l’homme ?

En tous cas, il est certain que, il y a une puissance cosmique ou des puissances cosmiques qui s’agitent au fond de nous-même et que certaines impulsions ont la force et le caractère irrationnels des forces de la nature, quand elles ne sont pas ordonnées par l’esprit.

Il y a des tempêtes, il y a des convoitises, il y a des cruautés, il y a des sadismes, il y a des perversions, il y a des vertiges, enfin,  qui paraissent indiquer que nous sommes les porteurs d’un cosmos dont nous avons la responsabilité, que nous avons la mission d’achever, mais qui peut nous faire basculer dans les ténèbres, si notre être tout entier n’est pas orienté vers la lumière de l’éternel amour.

Il n’y a aucun doute, en tous cas, que dans la mesure où nous sommes prisonniers de notre moi possessif, il n’y a aucun doute que nous sommes fascinés, fascinés par ces impulsions obscures qui grouillent au fond de nous-même et qu’elles sont, insurmontables, à certains moments, insurmontables, si, justement,  on ne dépasse pas l’horizon naturel, si on ne dépasse pas le donné, si on n’aboutit pas à ce don qui fixe la vie dans le cœur de Dieu.

Tout ce qui est dans le monde, nous dit saint Jean dans sa Première Epître, est convoitise de la chair, convoitise des yeux ou orgueil de la vie. L’homme, à certains moments, est tout sexe ; à certains moments, il est toute ambition, toute cupidité ou tout orgueil et il semble qu’il ne puisse aucunement résister à ces sollicitations, si il demeure seul avec lui-même, si il ne fait pas cette trouée de lumière vers la Présence qui l’attend au plus intime de lui.

Tout cela pour dire seulement que le problème de notre choix a une dimension cosmique qu’il engage tout l’univers et, qu’en raison de cela même, la solution en est extrêmement difficile. Que tout cela ne soit pas simplement des rêveries, tout à fait hypothétique, nous en avons la certitude lorsque nous voyons saint Paul, justement, comme je le rappelais ce matin, St Paul nous parler de cette création qui attend dans le gémissement,  la Révélation de la gloire des fils de Dieu.

Donc, lui-même solidarise le devenir de l’univers avec celui de l’homme et il nous indique, de la façon la plus profonde et la plus émouvante, que nous sommes enracinés dans ce cosmos et que nous avons à l’assumer, à l’accomplir jusqu’à ce que, il devienne ce que Dieu veut, c’est-à-dire que il entre dans la lumière trinitaire et qu’il s’accomplisse en une pure offrande d’amour.

Le mal, c’est donc finalement, d’être livré, de s’abandonner à ces impulsions cosmiques, irrationnelles, à ces automatismes ténébreux, alors que, on est appelé à être libre, c’est-à-dire à réaliser en soi-même une dimension infinie, en étant revêtu de la Présence divine qui est le fondement, l’unique fondement de notre dignité. Mais comment, pratiquement, trouver une issue créatrice lorsque, on est dans le pétrin, lorsque, on est au, dans le feu même de la tentation, comment en sortir ? Car elle peut fondre sur nous avec une telle puissance et une telle immédiateté que nous n’avons presque plus la possibilité de nous retourner !

Tous les crimes humains, tous ceux qui se commettent tous les jours – on disait hier ou avant-hier, à la radio, que, il y avait un assassinat en Italie toutes les 8 heures ! Toutes les huit heures ! – On disait que, au mois de janvier en Italie, il y avait déjà eu 8 rapts, que le rapt devient une industrie, que pour se faire de l’argent, on ne recule devant rien, que la vie humaine, c’est zéro, ce qui importe, c’est le fric ! Tout cela, ce sont des hommes qui l’accomplissent. Comment le peuvent-ils accomplir ? Sinon parce que, ils sont envahis par ces ténèbres et puis ils n’ont sans doute pas le goût d’en émerger, qu’ils n’ont jamais peut-être rencontré une issue, qu’ils n’ont jamais découvert ce visage de l’éternel amour imprimé dans leur cœur.

La vie est difficile, justement parce qu’elle est une richesse incommensurable. Elle est difficile. Il est difficile de la vivre honnêtement, sincèrement, authentiquement. Il est difficile de ne pas tricher, de ne pas s’enfermer dans une classe, dans une catégorie, de ne pas sombrer dans un pharisaïsme inconscient où on se rend justice à soi-même, parce que, on n’est pas comme le reste des hommes.

Il semble certain, en tous cas, que la seule issue, ce soit de regarder vers ce Dieu qui ne cesse de nous attendre au plus intime de nous-même. C’est ce regard vers lui qui nous délivre du regard sur nous, ce regard sur nous qui nous empoisonne, qui nous emprisonne aussi et qui nous livre, justement, à l’automatisme de toutes ces forces cosmiques que j’évoquais, il y a un instant. La seule manière d’en émerger, c’est ce regard vers lui.

On le voit bien dans l’Evangile, dans cette page extraordinaire où la prostituée inonde les pieds de Jésus de ses larmes dans l’offrande totale de son amour, on voit bien que ce qui la convertit radicalement et l’a rendue, comme dit François de Sales, archi-vierge, c’est que elle a cessé de se regarder et, que, en le regardant, elle est entrée dans le règne de la lumière et de l’amour.

C’est vrai de la Samaritaine aussi. Notre Seigneur ne lui demande pas de se reconnaître possédée du demon, du démon : il l’attire vers lui, il lui révèle la source qui jaillit en vie éternelle, au fond d’elle-même. Il l’amène à reconnaître ce Dieu qu’elle porte en elle ; elle est sauvée, parce que, justement, elle ne se regarde plus.

Et de même, la femme adultère est invitée, absoute par lui, absoute parce que, elle a été jusqu’au fond de la honte et que elle n’a pu compter que sur cette protection, imprévisible et magnifique de celui qui a pu dire :  » Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre !  » Elle aussi est retournée, c’est-à-dire tournée vers lui et donc sauvée d’elle-même.

Je ne cesse de dire, dans la confession sacramentelle, je ne cesse de dire mais toutes les fautes que vous pouvez reconnaître, ce ne sont pas ça qui constituent le mal. Le mal radical, c’est cette rupture avec Dieu, c’est cette séparation d’avec lui, c’est cette retombée en nous-même. Car le bien, c’est Quelqu’un, le bien c’est lui, le bien est vivant et le mal, c’est l’absence. C’est la solitude stérile, justement parce que, on n’est plus en contact avec la source de vie au plus intime de soi. A partir de là, tout est possible. L’homme qui n’est plus en contact avec Dieu, il est forcément livré à lui-même et entraîné par toutes les forces obscures qui le sollicitent.

Il est donc finalement une seule manière d’émerger, c’est ce regard vers Dieu, qui est là, sur le rivage, comme le Seigneur dans la dernière scène de l’Evangile de saint Jean : il est là, il attend, il accueille, il appelle, il aime. Si on le regarde, on émerge de la tempête et on arrive nécessairement à bon port. Si bien que, finalement, le seul chemin vers une libération authentique dans notre vie quotidienne, c’est ce regard constamment repris, sur Dieu qui habite en nous et qui habite également dans les autres et dans toute créature.

Si nous pouvons redécouvrir ce visage, nous sommes sauvés de nous-même et la tentation, avec tout son tumulte, finit par s’apaiser, parce que nous ne lui donnons pas prise. Dès là que nous nous sommes cachés en Dieu, en prenant, comme dit Augustin, en prenant la fuite en Dieu  » Es-tu tenté de fuir loin de Dieu ? Prends la fuite en Dieu « .

C’est cela, au fond, la seule pureté, la seule pureté radicale, la seule liberté authentique : ce regard vers lui qui nous suspend à son amour et qui nous empêche d’être possédés par nos possessions. Car la pire des possessions, ce n’est pas la possession démoniaque, c’est cette possession de nous-même par nous-même, cette complaisance incestueuse où le moi possessif, replié sur lui-même, essaye de savourer sa fausse autonomie. Et nul ne peut être délivré d’une telle possession si justement il ne regarde pas dans la direction de Dieu.

En sorte que l’effort que nous avons constamment à reprendre, c’est celui-là : effort de recueillement, effort d’attention à la Présence de Dieu pour redécouvrir son visage et pour être libérés de nous-même.

C’est sûr qu’il y a une espèce de cercle vital, celui qui a entrevu cette issue, il est naturellement porté à la redécouvrir ; celui qui ne l’a jamais entrevue, on peut dire qu’il n’est pas encore amené à lui-même, qu’il n’est pas encore entré et peut-être que ce qui nous parait criminel chez lui, n’est qu’un acte sous humain qui est irresponsable.

Mais en tous cas, dès qu’on prend conscience qu’on a une responsabilité, on ne peut l’exercer que comme une réponse d’amour à donner à Quelqu’un qui ne cesse pas d’attendre. D’ailleurs, – et c’est là la pointe la plus fine de cette méditation – il est clair que tout ce débat en nous, ce débat cosmique où tout le passé du monde nous assaille, où nous avons à récapituler l’évolution de tous les êtres, pour les achever dans la ligne de l’amour, cet immense débat où nous portons le monde sur nos épaules, concerne finalement la vie de Dieu, je veux dire, la réalisation de ce dessein d’amour qui jaillit de la Trinité divine dans une communication d’elle-même qui appelle toute créature à la vie nuptiale qui l’introduira au cœur de la Trinité divine.

Ce qui est en jeu, en nous, finalement, c’est la vie de Dieu. Si notre destin était seul concerné, nous pourrions, finalement, nous abandonner à n’importe quelle pente, à n’importe quelle sollicitation, puisque les dégâts, ce serait nous seuls qui aurions à les porter. Mais ce n’est pas du tout le cas. Ce qui se joue en nous, c’est ce Royaume de Dieu qui est l’enracinement de la Présence divine au fond de nous-même et la révélation de cette Présence divine à travers nous-même.

Car c’est une expérience – je ne cesse, je ne cesse de le dire –  c’est une expérience qui est évidente : le règne de Dieu ici, maintenant, devrait être un événement, humain, à travers nous. Comment est-ce que l’homme pourra prendre conscience de la Présence de Dieu comme de la réalité la plus passionnante, la plus brûlante, la plus actuelle, si cela ne change rien à la vie de tous les jours, si celui qui se prétend croyant et chrétien ne donne pas à la vie une dimension telle que, on ne puisse pas ne pas désirer la vivre à ce niveau ?

 C’est bien cela qui est, est au fond du choix que nous avons à accomplir. Il ne s’agit pas de nous et de notre réalisation, limitée à elle-même, ce qui n’a d’ailleurs aucun sens. Il s’agit de nous en tant que nous sommes des porteurs de Dieu, il s’agit de nous en tant que notre voie authentique ne peut être qu’une relation avec lui et donc une révélation de lui.         

Et c’est là, bien sûr, que, il faut revenir, pour puiser aux sources d’une constante générosité. Il serait parfois impossible de se maintenir sur la corde raide si on ne voyait pas que le destin de Dieu est en jeu qui et qu’il a remis sa vie entre nos mains.

C’est ce que la Croix, c’est ce que la Croix de Jésus nous, nous apprend : s’il étend les bras vers nous, s’il étreint toute l’humanité dans l’immensité de son sacrifice, c’est que cette humanité est appelée à devenir le Royaume de Dieu, c’est que cette humanité porte en elle l’infini – chacun au fond de son cœur – et que la décision de chacun, par conséquent, va se répercuter sur l’avenir de Dieu dans l’humanité.

Avons-nous autre chose à faire, à travers n’importe quelle fonction ? Avons-nous autre chose à faire que celle-là, de faire naître Dieu dans notre cœur et dans le cœur des autres ?

La seule aventure qui rend tous les hommes strictement égaux, c’est celle-là : que chacun, dans son for intérieur, dans le plus secret de lui-même, décide de ce qui arrivera à Dieu dans l’histoire des hommes.

Et c’est bien la question que on peut se poser, sous la forme la plus simple et la plus concrète : qu’est-ce qui va arriver à Dieu, aujourd’hui, du fait de ma présence au monde ? Quand nous implorons, dans le Pater, nous implorons le règne de Dieu, quand nous demandons qu’il vienne, nous ne pouvons pas oublier qu’il ne peut venir que par nous et à travers nous. Et nous prenons conscience, si nous sommes attentifs, nous prenons conscience que chacune de nos défaillances volontaires diminue le Rayonnement de la Présence divine, fait écran à sa lumière et empêche les autres d’y atteindre.

Si l’infini est la dimension suprême de notre vie, si nous sommes vêtus de Dieu, vêtus de Jésus-Christ, comme dit saint Paul, c’est justement pour être un Evangile vivant, le seul Evangile qui puisse convaincre et sauver.

Ce ne sont pas des tonnes d’exemplaires du Nouveau Testament, livrés à eux-mêmes, qui porteront la lumière, mais ce courant immense de, de charité et d’amour, s’il est authentique, qui circulera d’une âme à une autre et à travers toute la chaîne de la communion des saints dans tout l’univers.

Et c’est bien cela que nous voulons retenir. S’il y a une communion des ténèbres : hélas, nous en faisons, l’expérience tous les jours. Assez pour que, il ne convienne pas d’insister. Mais, par bonheur, il y a une communion d’amour en laquelle toute âme qui s’élève, élève le monde. Et en élevant le monde, qu’est-ce que ça veut dire elle ne peut, du même coup, communiquer Dieu, puisque Dieu est le seul espace où notre liberté puisse se reconnaître et s’accomplir.

Jésus a voulu abolir ce règne des ténèbres en nous, mais il a bien montré que la seule ressource pour y parvenir, c’était ce don de lui-même. Il fallait sa mort comme la preuve insurpassable de son amour, pour que nous découvrions le trésor que nous portons en nous et que nous avons à communiquer à toute créature.

La Bonne Nouvelle, c’est l’Evangile, mais l’Evangile concret, c’est nous : c’est nous dans la mesure, justement, où nous regardons obstinément ce visage du Seigneur après lequel, comme dit l’antienne de Noël, après lequel toute la terre soupire.