30-31/05/2016 – Notes – La place de la Vierge dans l’économie chrétienne

En
Egypte en 1948, à Dar el Salam, notes recueillies à l’écoute du père Maurice Zundel. Les titres sont ajoutés.

Pourquoi la présence de Marie

Se rappeler l’éclosion des œuvres d’art en son honneur : vitraux, statues, cathédrales sous son vocable, etc. Le sens profond de sa présence dans notre vie doit être expliqué, creusé. La pureté prend en elle un visage et devient par elle une exigence personnelle en ouvrant une source qui ne s’épuisera jamais. La femme ne peut être absente de l’histoire du monde puisque l’humanité, c’est l’homme et la femme. En Marie : exigence silencieuse de liberté, liberté totale et parfaite depuis le premier instant de son existence.

En sa maternité, nous ne retrouvons pas le couple primitif parce que nous sommes sur un autre plan et purement spirituel. C’est ici la génération de la personne qui est reprise comme elle aurait dû être si l’homme n’y avait pas manqué. C’est une histoire réelle qui commence avec elle : plénitude totale du don et don du Christ à nous librement consenti. Elle montre la femme comme une possibilité de liberté totale et de libération pour l’homme.

Dans les Ecritures

Nous ne savons pas grand’chose de son histoire avant l’Annonciation. Un être tout donné à Dieu n’a pas d’histoire. Il y a la Visitation et le Magnificat. Le point le plus dramatique, c’est le mariage de la Vierge. On n’en parle pas, parce que tous ceux qui enseignent sont des célibataires, et que cela n’entre pas dans leur vie. C’est lui pourtant qui situe vraiment la Vierge dans notre humanité. Enceinte, elle a absolument besoin d’une protection pour n’être pas diffamée. Mais elle garde le silence. Silence aussi de Saint Joseph… Elle se confie d’autant plus que Dieu seul a commencé cette affaire : elle ne pourrait en intervenant que gâter l’affaire de Dieu.

Profondeur et silence, leur amour a consenti au plus dur : à toutes les séparations. Il est entré dans la pauvreté et peut donc durer toujours. La Vierge entre ensuite dans la vie du Christ comme dans un mystère. Le Christ est pour elle un mystère et sans doute le Christ a-t-il été à lui-même un mystère par moment, pour elle plus encore.

Au recouvrement au Temple, lui sait, elle ne sait pas encore. Ils doivent constamment se remettre l’un et l’autre aux mains de Dieu. S’il n’y a pas d’hésitation au don qu’ils font d’eux-mêmes à Dieu, il y a des tournants d’ombre. Cf. les Noces de Cana : Lui-même ne peut répondre que ce qu’Il dit toujours à ses disciples : « Ma doctrine n’est pas de moi : je ne fais rien de moi-même. »

Quand, recherché par sa famille, traité comme un fou, Marie assiste en silence et entend les paroles du Christ : « Qui est ma Mère et qui sont mes frères ? Celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les Cieux… » Les étapes de ce don peuvent être atroces. Il y a la Croix où nulle autre ne pouvait tenir sa place, sa vie avec l’Eglise naissante, son Assomption…

Sacrement de silence, exigence de pureté, principe d’espérance

La maternité de Marie, c’est encore la nôtre car toute la vie humaine est pour enfanter Dieu.

C’est dans la vie de l’Eglise, qui est le grand Evangile que la vie de la Vierge ne va cesse de grandir et de révéler sa part dans notre libération. Elle est un sacrement de silence. Elle nous recueille comme les grandes œuvres et les grands hommes. Elle est l’ostensoir du Christ qu’elle porte en elle et enfante éternellement dans l’univers, dans le silence de soi qu’est la liberté.

Si elle est en nous une exigence de pureté, c’est précisément par-là, par son silence, en nous obligeant en son humilité à nous approcher de nous-mêmes « sur la pointe des pieds ». C’est ce silence de soi qui est la source de toute grandeur, de la sainteté éminemment : pas de tumulte, rien n’est jamais dramatique en soi que la mort de Dieu. Marie, par son silence, se fait le Verbe silencieux, se perd de vue dans ce qu’elle aime et par-là nous aide infiniment. En elle, on a le principe de l’espérance.

Le Christ qu’elle tient dans ses bras est tourné vers le monde et non pas vers elle. C’est de même la mission du chrétien de recueillir toute douleur, toute la douleur du monde pour l’offrir, réponse d’amour aussi profonde que l’avance d’amour faite par le Christ. Sa maternité, c’est encore la nôtre car toute la vie humaine est pour enfanter Dieu. C’est par-là que nous irons vers la joie puisque toute joie est la joie du don. « Le bonheur, c’est le malheur supporté par un amour », dit Raymond Lulle, c’est-à-dire qu’il faut vouloir d’abord l’amour et donc y mettre le prix.