29-31/05/11 – Ne pas tricher

Homélie
à des enfants, en l’Eglise du Sacré Coeur d’Ouchy (Lausanne), le dimanche 21 novembre 1965.

 

Avec la voix de Maurice Zundel qui nous permet d’entrer plus profondément dans le texte:

 

     Mes chers enfants, 

     Il vous arrive peut-être parfois de tricher. Vous savez ce que c’est que tricher, n’est-ce pas ? Tricher, copier sur un voisin, sur une voisine. Tricher, c’est faire croire qu’on sait ce qu’on ne sait pas. Mais faire croire qu’on sait ce qu’on ne sait pas, ça ne change rien.

     Il y avait un jeune homme qui étudiait la médecine et il trichait tout le temps, à tous les examens. Quand il est devenu médecin, un jour, il a dû faire une opération. Il n’a pas osé dire qu’il ne savait pas, il a ouvert le malade. Une immense hémorragie s’est produite, le sang coulait de tous les côtés, il n’a pas su se tirer d’affaire et le malade est mort sur la table d’opération. 

     Quand on triche, on fait semblant de savoir ce qu’on ne sait pas, mais ça ne change rien : on ne sait pas. Vous trichez, nous trichons, tout le monde triche. L’immense majorité des hommes et des femmes, mais tous, nous pourrions nous dire : Nous sommes des tricheurs. Nous faisons croire que nous sommes ce que nous ne sommes pas. Nous portons un masque et derrière ce masque, nous cachons ce que nous sommes.

     Cette semaine, on a célébré la fête de sainte Elizabeth de Hongrie, une petite  sainte bien sympathique qui est morte à 24 ans, il y a bien longtemps, bien longtemps, puisque c’est au temps de saint François d’Assise. Et cette fille de reine, Elizabeth, qui était gracieuse, char­mante, qui avait épousé un prince allemand, elle était pleine de cœur : elle était l’immense générosité. Elle ne pouvait pas voir souffrir les gens.

     Et elle allait, de bon matin, son tablier de soie rempli de provi­sions, visiter les pauvres pour leur épargner la souffrance de la faim. Et, un jour, elle fut surprise par son mari, qui l’aimait bien d’ailleurs, mais qui ne savait pas, qui ne savait pas où elle allait et ce qu’elle faisait et, voyant son tablier rempli, il dit : Qu’est-ce que vous portez là, Madame ?  Elle ouvrit son tablier et il était plein de roses. C’est l’histoire que l’on raconte pour montrer justement que l’amour, dans le cœur de cette princesse, l’amour, c’était vraiment toute la joie, toute la beauté, toute la grâce de la bonté de Dieu.

     Et cette sainte Elizabeth, qui était une fille de reine et une princesse, quand  son mari mourut, et il mourut très jeune- puisqu’elle-même mou­rut à 24 ans – quand son mari mourut, sa belle-mère, qui la détes­tait, la fit jeter à la rue. Elle devint tout à fait  pauvre. Elle qui avait été princesse et reine, elle n’avait plus rien, elle était une mendiante et tout le monde l’insultait et la méprisait. Mais ça ne lui faisait rien parce que, elle avait dans son coeur une telle lumière, un tel amour que, partout où elle allait, elle portait la joie et la beauté de Dieu.

     Elle ne trichait pas, elle. Elle aimait les autres pour de bon. Elle aimait Dieu de tout son coeur. Elle portait en Lui sa lumière et, partout où elle passait, elle apportait la joie de son visage.

     Pourquoi êtes-vous ici ? Pourquoi sommes-nous ici ? Justement pour apprendre à ne pas tricher. Qu’est-ce que Dieu sait ? Qui est Dieu ? Où est-il ?

     Mais Dieu est en nous, comme la lumière et la vérité.

     Et Jésus est à genoux devant nous, comme il était à genoux devant ses apôtres. Pourquoi ? Justement pour nous conduire à la Vérité, pour que nous ne trichions pas, pour que, dans notre coeur, il y ait toute cette lumière, tout cet amour, toute cette beauté, pour que nous soyons, comme le dit Jésus lui-même, la lumière du monde.

     Cette semaine, on a enterré aussi une maman toute simple, une vraie maman, une maman qui a passé 40 ans à se dévouer, à travailler, à user ses forces pour la joie des autres, une maman toute simple, qui n’a rien fait d’autre que de travailler et de donner à sa famille la joie de sa présence. Mais justement, parce qu’elle était une vraie maman, elle portait dans son coeur toute la lumière de Dieu. Et tous ceux qui la rencontraient disaient : Mais vous savez, c’est extraordinaire, mais c’est merveilleux, quand on la rencontre, on sent une présence, une présence de lumière et d’amour, qu’on reçoit et qu’on emporte avec soi.  Eh bien nous ! Nous, nous pouvons en faire autant. Nous sommes appelés, justement, à ne pas tricher, à recevoir dans notre coeur cette lumière qui est la lumière de l’Amour.

     Petits garçons, petites filles, vous avez un visage et de ce visage, vous pouvez, vous pouvez faire quelque chose de merveilleux parce que, si votre visage sourit, s’il est plein de grâce et de beauté, il apportera aux autres le plus bel Evangile. L’Evangile, ce n’est pas un livre. L’Evangile, c’est Quelqu’un. L’Evangile, c’est Jésus. L’Evangile, c’est le coeur de Dieu. L’Evangile, finalement, c’est vous, c’est vous ! Un petit garçon, une petite fille qui porte la lumière, qui ne triche pas, qui aime pour de bon et la porte partout et, là où il la porte, partout où il va, ils appor­tent la joie, la grâce, l’espérance, l’amour.

     Eh bien ! C’est cela que nous voulons demander aujourd’hui. Nous voulons demander à Jésus de ne jamais tricher. Voyez : on parlait tout à l’heure de la fin du monde peut-être, on parlait du jugement peut-être, mais le vrai jugement où est-il ? Mais en nous ! En nous ! En nous ! C’est cela qui nous juge. Si nous ne trichons pas, nous sommes du côté de Dieu, nous sommes dans la vérité, nous sommes dans la bonté, dans l’amour. Si nous trichons, nous sommes dans la nuit et nous n’apportons rien.

     Alors, puisque Jésus est venu pour nous apporter toutes les richesses de son amour, puisque Jésus n’est qu’un coeur qui bat dans le nôtre, nous allons demander à Jésus, au cours de cette messe, tout doucement, dans le fond de notre coeur, de ne jamais tricher, de vivre dans la vérité, d’être la lumière du monde et d’apporter partout… quoi ? Eh bien ! D’apporter partout la Présence de Dieu, sans rien dire, d’apporter partout le cœur de Dieu, sans le nommer, c’est d’apporter le sourire de sa bonté.

     C’est cela l’Evangile, le vrai, celui que tout le monde comprend : être le sourire de Dieu, apporter partout la joie de sa bonté. C’est ça qui va changer le monde et c’est ça qui fera comprendre aux gens qui est Dieu. Car ça ne sert à rien de dire : Dieu est saint, il est par­fait, de dire Dieu est créateur du monde.  Ça ne sert absolument à rien. Pour connaître Dieu, il faut avoir un cœur qui est vrai, un cœur qui est transparent, un coeur qui est généreux.

     Saint François de Sales a dit magnifiquement : Dieu ? Dieu est le Dieu du coeur humain. Celui qui n’a pas de coeur, il ne pourra jamais comprendre qui est Dieu.  Pour  comprendre Dieu, il faut avoir un coeur, parce que Dieu est tout coeur et rien d’autre.

     Alors, pour connaître que Dieu qui est tout cœur et rien d’autre, nous allons maintenant écouter Jésus, au fond de nos cœurs, et lui deman­der de nous apprendre à ne jamais tricher pour être la lumière du monde et le sourire de sa bonté.