29/06/2010 – Conférence – La Trinité, modèle de notre libération

Carmel
de Matarieh Le Caire, Mai 1972: « La Divinité de Jésus-Christ » (Suite n°7)

 

Avec la voix de Maurice Zundel qui nous permet d’entrer plus profondément dans le texte, ponctuée de silences.

 

« Mais ceci déjà nous prédispose à envisager en Dieu une génération intérieure qui n’a rien à voir avec la multiplication de la nature divine, mais qui a tout à voir avec la sainteté de la nature divine puisque cette génération intérieure exprime la possibilité pour cette nature de se vider de soi, de n’être pas la proie de soi, de ne pas coller à soi, de n’être pas enfermée en soi, de n’être pas égocentriquement attachée à soi, mais de réaliser une transparence absolument virginale dans une liberté infinie.

Cette génération en Dieu et cette procession en Dieu, cette diction parfaite, car c’est cela que suppose la sainteté de Dieu, c’est que il se dise non pas à son profit, qu’il se dise non pas pour s’enfermer en soi, qu’il se dise non pas pour se complaire en soi, mais qu’il se dise dans un Autre et pour lui.

Qu’il se dise dans un Autre et pour lui, qu’il se dise dans une totale démission où rien de lui-même n’est retenu, rien, où la même nature passe tout entière dans cette Parole et où le disant, celui qui se dit n’est que une relation, une relation, un regard vers cette Parole vivante qui jaillit éternellement du Père, qui n’est, encore une fois, qu’une relation éternellement vivante au Fils, comme le Fils n’est éternellement qu’une relation vivante au Père.

Et, pareillement, l’amour ne sera pas une complaisance de l’un dans l’autre et de l’un pour l’autre, mais une extase, une sortie de soi, une désappropriation totale de l’un en l’autre et de l’un par l’autre dans la respiration de l’Esprit saint. Le Père et le Fils ne se possèdent pas dans une étreinte où ils se retrouveraient pour se combler l’un par l’autre. Ils se donnent, ils se rencontrent dans ce dépouillement radical qui suscite le Saint-Esprit, c’est-à-dire qu’en Dieu, l’amour est radicalement dépossédé, radicalement dépouillé, radicalement virginal, excluant toute espèce de complaisance en soi et cela, nous n’avons bien entendu aucune peine à l’admettre.

Au contraire, c’est cela qui comble notre coeur. C’est cela qui illumine notre intelligence. C’est cela qui est la délivrance de notre esprit. C’est cela qui nous empêche de haïr Dieu, de le détester comme l’ennemi de notre dignité et de notre inviolabilité. C’est cela qui intériorise toute la vie spirituelle. C’est cela qui intériorise toute la création. C’est cela qui nous permet d’aller jusqu’à nous-même. C’est cela qui donne un sens à notre liberté. C’est dans cette libération de Dieu au coeur de la Trinité que nous rencontrons le modèle de notre propre libération.

Nous pouvons être libres parce que Dieu l’est. Nous pouvons être libres parce que Dieu est le chemin vers notre liberté, parce que Dieu justement nous apprend à être libre, puisque on ne s’est pas fait soi-même, puisqu’on est nécessairement préfabriqué, la seule liberté possible, c’est de tout donner sans rien garder pour soi et que Dieu est Dieu précisément parce qu’il donne tout dans cette circulation intérieure où il se vide éternellement de soi dans l’éternelle communion d’amour des relations intra-divines, des relations subsistantes qui font de chaque personne une pauvreté subsistante.

Chaque personne n’a rien que d’être totalement relative à l’autre ou aux autres, aux deux autres. La seule propriété en Dieu c’est la désappropriation absolue, radicale, éternelle. Cela nous comble, cela nous remplit de joie, cela éclaire toute notre expérience de nous-même et tout cela nous permet de devenir toujours davantage nous-même en devenant les imitateurs de Dieu ; ou plutôt, en étant enracinés au coeur de sa vie trinitaire qui doit devenir la nôtre.

Et c’est là que l’Incarnation en Jésus va trouver sa lumière et son expression. Sans doute Dieu est déjà pour nous le pôle d’attraction, le pôle de notre personnalité. Nous ne devenons nous-même qu’en référence à lui. »