25/07/2015 – Homélie- La sainte liturgie

Homélie
de Maurice Zundel – texte sous le nom de frère Benoît, – à Paris en décembre 1928. Non édité.

 

? Sainte Règle chap. 71 & Psaume 5

Jeudi soir, les chanteurs de Saint-Gervais donnaient un concert à la Salle Gaveau.

Le programme comportait d’abord deux motets religieux. On pouvait lire au dos du programme le choix des morceaux prévus pour la Messe de Noël à St-Gervais.

Le premier de ces motets était un « Popule meus » de Vitoria : « O mon peuple que t-ai-je fait ? » … Cet inexprimable cri de douleur, tiré des impropères du Vendredi Saint.

Au premier rang, les dames, les jeunes dames ou demoiselles. Parmi elles, une femme, par de savantes manœuvres de fourrure, découvre ses épaules nues. L’intention est visible et n’échappe à personne.

Les chanteurs de St-Gervais cependant redisent les divines paroles et… cette femme avec eux : « Popule meus, quid feci tibi ? »

On comprend du coup que la perfection technique n’est rien.

A l’opposé, les Chanoines de St-Pierre à Rome, braillant leurs Psaumes, regardant avec nonchalance, un public cosmopolite. Eux non plus, ne savent pas ce qu’ils font, mais du moins n’en ont-ils pas la prétention. Ainsi la Liturgie est doublement profanée par ceux qui en font un art de conservatoire et par ceux qui en font un jeu de massacre.

Mais les premiers sont plus dangereux, qui montent en épingle le Sang du Christ, qui se font une parure d’orgueil du mystère de la Croix.

La Liturgie est un Mystère à vivre : le monde vraiment racheté dans une mort d’Amour. Celle de Jésus, et la nôtre.

Rien à voir et rien à entendre dans une église digne de ce nom. Rien d’un spectacle auquel les sens suffisent. Toute la perfection vient du dedans, du regard de la foi, et l’ardeur de l’Amour.

Les interprétations les plus diverses peuvent se donner carrière, mais le don de soi-même est indispensable, et la soumission de tout l’être unique nécessaire.

C’est pourquoi notre Seigneur nous enjoint de nous réconcilier avec nos frères, avant de porter notre offrande à l’autel. C’est pourquoi l’Eucharistie était, aux yeux des Pères, le symbole de la charité. Comme ces grains, jadis épars sur les collines, broyés ensemble ont donné un seul pain, qu’ainsi nos cœurs, Seigneur, se fondent dans une indivisible charité.

C’est pourquoi le baiser de paix précède la Communion.

Gardons-nous donc de faire une spécialité bénédictine de ce qui est la plus haute et la plus commune expression de la vie de l’Eglise catholique.

Gardons-nous de juger par le dehors d’une réalité essentiellement surnaturelle, à laquelle la foi peut seule donner accès. La Liturgie doit être notre plus profonde prière, notre plus vivant sacrifice, et notre plus amoureuse louange. Et la meilleure manière d’y entrer, c’est de nous être fait tout le jour les serviteurs de nos frères.

« Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la rançon d’un grand nombre. » (Mt. 20:28)

La perfection technique nous sera donnée par surcroît. Et la Sainte Liturgie cessera d’être une parole des lèvres, un thème à littérature, pour être la vie mystérieuse de nos âmes, la pure oblation de nos cœurs immolés.