22-25/05/2017 – Homélie – Qu’est-ce qu’un apôtre ? Celui qui s’efface en Jésus-Christ

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Homélie de Maurice Zundel à Lausanne, en 1955. Le Père Zundel s’adresse à des enfants… Non édité. Les titres sont ajoutés.

Avec la voix de Maurice Zundel qui nous permet d’entrer plus profondément dans le texte. Pour l’écoute, affichez immédiatement le texte complet en cliquant sur « lire la suite ».

Celui qui est envoyé

On vous a lu tout à l’heure cette immense épître de saint Paul. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’on vous a lu cette immense épître de saint Paul ce matin ? Parce que ce dimanche, qui est le dimanche de la sexagésime à Rome, la messe avait lieu dans l’Église de Saint-Paul. C’est à cause de cela, pour faire honneur à saint Paul, qu’on lisait ce grand résumé de sa vie que vous venez d’entendre.

Qu’est-ce que c’est qu’un apôtre ? Qu’est-ce que ça veut dire le mot apôtre ? Qu’est-ce que ça veut dire ? « Envoyé », l’apôtre c’est celui qui est envoyé. Envoyé par qui ? Par Jésus, envoyé par Jésus. Pourquoi est-il envoyé par Jésus ? Pourquoi ? Comment ? …

« Pour le faire connaître. » C’est très bien.

Eh bien moi, il m’efface

Il y avait une petite fille. Elle avait 8 ans. Elle faisait sa première communion avec quelques petits garçons et quelques petites filles et ces enfants, après la Première Communion, parlaient entre eux. Ils croyaient que ils étaient seuls. Il n’y avait pas de grandes personnes avec eux. Il y avait pourtant quelqu’un qui écoutait. Alors, les enfants racontaient ce qu’ils avaient senti au moment de la première communion. Et les uns disaient : « Oh ! C’est le plus beau jour de ma vie. » Ils disaient ça comme ça, parce qu’ils avaient lu ça dans un livre ! « C’est le plus beau jour de ma vie. » Un autre disait : « Oh ! Moi, j’ai prié pour toutes les âmes du purgatoire ! » Il avait lu ça dans un livre ! Un autre disait : « Moi j’ai gagné une indulgence plénière ! » Il avait lu ça dans un livre.

Et la petite fille dont je vous parle, parce qu’elle, elle n’avait pas lu ça dans un livre, parce qu’elle avait vraiment communié, elle a dit ce mot – c’est un des plus beaux mots que je connaisse – elle a dit : « Eh bien moi, il m’efface ! » Il m’efface, c’est magnifique ! Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il m’efface. Vous comprenez ce mot ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que Jésus avait pris toute la place – et voilà : la petite fille était pleine de cette Présence, de cette lumière et de cette joie.

Pourquoi est-ce que Jésus nous efface ? Il nous effacerait du moins, si nous étions vraiment chrétiens. Pourquoi est-ce que Jésus nous efface ? Pourquoi ? Quand un petit garçon ou une petite fille tape du pied en disant : « Moi, moi, moi, moi, moi ! », c’est intéressant ? Non. Alors pourquoi est-ce que Jésus nous efface ?

Là, il est vivant !

Il y avait une petite fille esquimau – Vous savez ce que c’est les esquimaux ? Où est-ce qu’ils vivent les esquimaux ?

« Près de la mer ! »

– Oui, mais quelle mer ? C’est la mer arctique ? Ils habitent dans les glaces. Ils ont des maisons qui sont cachées dans la neige. Alors, il y avait une mission, des missionnaires qui étaient allés chez les esquimaux et ils avaient parlé du petit Jésus. C’était avant Noël et ils avaient promis, les missionnaires, que, ils montreraient quelque chose de magnifique aux enfants sages. Et, quand vint la Fête de Noël, les missionnaires avaient naturellement fait une crèche et, dans cette crèche, ils avaient mis une magnifique poupée de la Samaritaine ou du Bon Marché. Ils s’imaginaient que les enfants allaient être émerveillés et, parmi les petits esquimaux, il y avait une petite fille qui avait bien écouté et, quand on l’a amenée devant la crèche et qu’elle a vu cette poupée, elle a été toute désappointée.

Alors, elle a quitté la crèche de papier et la poupée et elle est allée se mettre devant l’autel, devant l’autel… On ne lui avait jamais parlé de l’Eucharistie et elle s’est agenouillée devant l’autel très silencieusement. Et le missionnaire lui a dit : « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Et elle a dit : « Oh ! Là, il est vivant, il est vivant. » Elle avait compris que la poupée c’était une image, qu’elle n’était pas vivante, mais que, dans le tabernacle, Jésus était vivant. Et pourquoi est-ce qu’elle l’avait reconnu ? Justement, parce que dans le tabernacle, Jésus s’efface, il ne fait pas de bruit, il se tient caché, il attend tous ceux qu’il aime, mais il s’efface.

Un verre qu’elle ne pouvait plus porter à ses lèvres

Vous connaissez sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ? Qu’est-ce qu’elle a fait ? Qu’est-ce qu’elle a fait, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ? De quoi est-elle morte ? Quand est-elle morte d’abord ? Quand ? Quand est-elle morte ? En 1897, ça veut dire combien ? Cinquante-cinq, trois… il y a 58 ans. Il y a 58 ans qu’elle est morte. Elle est morte de quoi ?

« De la Tuberculose. »

La Tuberculose donne la fièvre. Alors le dernier jour de sa vie, Ste Thérèse était dévorée, consumée par la fièvre. Et quand on a la fièvre, qu’est ce qui se passe ? Comment ?

« Mal à la tête. »

– On a mal à la tête et puis quoi encore ?

– On a soif, on a soif, alors elle désirait boire, mais elle était déjà paralysée de la gorge, elle allait mourir, elle avalait très lentement. Il y avait, auprès d’elle, deux sœurs qui veillaient sur elle. Alors, elle a demandé à boire. On lui a tendu un verre. Elle a commencé à boire, mais ça allait si lentement que les deux sœurs qui étaient là et qui la veillaient se sont endormies. Alors Thérèse, qui allait mourir, pour ne pas les réveiller, a gardé son verre à la main. Qu’est-ce que vous en pensez ? Elle qui était mourante, elle n’a pas voulu troubler le sommeil de ses deux sœurs qui étaient bien portantes et qui la veillaient.

Elle s’effaçait ! Mais oui, elle s’effaçait merveilleusement : il n’y a pas d’exemple plus beau d’oubli de soi-même !

Il ne pouvait pas se défendre, il lui a baisé les pieds

Écoutez. À Londres. Où est Londres ? Qu’est-ce que c’est que Londres ? Il n’y a pas des géographes parmi vous ? Qu’est-ce que c’est que Londres ? Londres, c’est la capitale de… l’Angleterre. Bon.

Eh bien ! À Londres, qui est une ville… Combien il y a d’habitants à Londres ? 7 millions… Et en Suisse, combien ? 4 millions. Alors, à Londres, il y a plus de gens qu’il y en a dans toute la Suisse, dans cette seule ville ! À Londres, il y a de grands jardins et, dans ces jardins, le dimanche, dans ces jardins, il y a des tribunes et chacun peut parler dans le jardin, apporter les idées qu’il veut, faire la réclame pour qui il veut et il y a aussi des prêtres qui viennent parler de Jésus.

Et il y avait à Londres un dominicain qui était un saint qui s’appelait le Père Mac Nab et le Père Mac Nab avait l’habitude tous les dimanches de parler à Hyde Park, un de ces grands jardins et les gens circulaient, écoutaient… Mais, il y avait quelqu’un qui venait chaque dimanche pour faire du chahut. Qu’est-ce que c’est le chahut ?

« Le bruit. »

Alors, il y a quelqu’un qui venait faire du chahut. Pourquoi ? Pour l’empêcher de parler, pour qu’on ne l’entende pas, quelqu’un qui n’aimait pas Dieu et qui ne voulait pas qu’on en parle. Qu’est-ce que pouvait faire le Père Mac Nab ? Il pouvait lui donner des coups de poings, des coups… Comment ?

…. « Jouer de la musique ! »

Jouer de la musique ! Ah ! Ça, c’est merveilleux ! En tous cas, le Père Mac Nab ne pouvait pas se défendre, il ne pouvait pas donner des coups de pieds et des coups de poings. Alors, vous savez ce qu’il a fait ? Un dimanche, comme il arrivait à Hyde Park, il allait monter à la tribune et il voit le type qui faisait du chahut, tous les dimanches. Il s’est dit : « Bon, ça va recommencer ! Je ne pourrai pas parler ! » Alors il est allé devant ce monsieur, il s’est mis à genoux devant lui et il lui a baisé les pieds. Ah ! Alors, l’autre ne s’attendait pas à cela ! Il a été tout penaud, tout confus et il s’en est allé… et on ne l’a plus revu.

Pourquoi ? Il a été touché, il a compris que le Père Mac Nab n’était pas un charlatan, un baladeur, un prestidigitateur, mais que vraiment il aimait de tout son cœur le Bon Dieu.

Allez, c’est la mission

Ite, missa est, allez, c’est la mission, c’est l’envoi. Alors ça veut dire que vous êtes tous envoyés, vous êtes tous apôtres.

Alors, un apôtre, c’est quelqu’un qui… s’efface pour montrer quelqu’un d’autre que lui-même, qui s’efface pour montrer Jésus. Vous avez compris ?

Écoutez : à la fin de la messe, qu’est-ce que le prêtre dit, à la fin de la messe ? Pas aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui ça change, mais d’ordinaire, qu’est-ce qu’il dit à la fin de la messe ? En latin, vous savez le latin ? Alors qu’est-ce que le prêtre dit, à la messe, à la fin de la messe ? Il dit : « Ite, missa est ». Qu’est-ce que ça veut dire ? « Ite, missa est » Ca veut dire : « Allez, c’est la mission… » Allez, c’est la mission, c’est l’envoi. L’envoi, la mission. Alors ça veut dire que vous êtes tous envoyés, vous êtes tous apôtres.

Qu’est-ce que vous avez à faire ? Est-ce que c’est vrai que vous êtes apôtres ? Mais oui : un chrétien, c’est essentiellement un apôtre qui est envoyé par Jésus. Et qu’est-ce que vous avez à faire ?

Un geste du chrétien qui sait qu’il est envoyé

Écoutez : Il y a cent ans… Vous avez des montres ? Est-ce que vous avez des montres ? Le petit garçon, vous n’avez pas de montre ?

– Eh bien ! Vous avez de la chance, il y a cent ans, les petits enfants n’avaient pas de montre. Il y a cent ans, une montre, c’était quelque chose de très précieux.

Écoutez bien ceci : Il y avait en Irlande… Savez-vous ce que c’est que l’Irlande ?

– Oui ! Bien. Il y a cent ans, il y avait une famine en Irlande. Les gens mouraient de faim et à Paris, il y avait quelqu’un qui est devenu évêque de Lausanne, qui s’appelait Monseigneur Mermillod, qui faisait un sermon pour l’Irlande. Il demandait de l’argent pour venir au secours des Irlandais qui mouraient de faim. Alors, écoutez bien, il a passé dans les rangs de l’assistance et un ouvrier, un ouvrier qui était pauvre, mais qui avait une montre, a mis sa montre dans le plateau et il a dit : « On n’a pas besoin de savoir l’heure, quand un peuple meurt de faim ». Magnifique, hein ? Voilà, il avait fait le geste du chrétien qui sait qu’il est envoyé par Jésus-Christ pour montrer l’amour de Jésus-Christ.

Qui a vu Jésus-Christ parmi vous ? Est-ce que vous l’avez vu ?

« C’est l’hostie. »

Mais vous, est-ce que vous êtes une hostie, vous ? Pourquoi est-ce que vous prenez l’hostie ? C’est pour être changés en Jésus. C’est pour ça que vous communiez, pour être transformés en Jésus, pour que vous puissiez montrer le visage de Jésus.

Oui, c’est ça, c’est vrai, c’est l’hostie, mais… on le voit avec les yeux du cœur dans l’hostie, avec les yeux du cœur, qui voient bien, d’ailleurs. Mais vous, est-ce que vous êtes une hostie, vous ? Mais oui, vous êtes une hostie. Pourquoi est-ce que vous prenez l’hostie ? C’est pour être changés en Jésus. C’est pour ça que vous communiez, pour être transformés en Jésus, pour que vous puissiez montrer le visage de Jésus.

Et vous ? N’êtes-vous pas envoyés ?

Écoutez bien ceci : Vous savez ce que c’est que l’Ascension ? Qu’est-ce que c’est que l’Ascension ?…

« Comment ? »

Quand Jésus est monté au Ciel, ça veut dire : quand Jésus a disparu à nos yeux. Donc, quand Jésus a disparu à nos yeux, quand il est devenu invisible, il a envoyé qui ?

« Le Saint-Esprit. »

– Oui, et qui l’a envoyé ? Le Saint-Esprit, à qui ?

– Aux apôtres, voilà ! Il a donc envoyé les apôtres. Et il a envoyé après les apôtres, qui ?

– Non, la Sainte Vierge, elle est toujours envoyée, mais elle ne se montre pas. Elle s’efface. Qui a-t-il envoyé ? Qui est-ce qui est venu après les apôtres ? Quand les apôtres sont morts, ça a été fini ?

« Non. »

– Non, alors, puisque nous sommes là, ça n’est pas fini…?

– C’est ça, les prêtres, les évêques, les évêques, le Pape, les évêques, les prêtres. Et vous ? Et vous ? Vous n’êtes pas envoyés ?

Vous êtes chrétiens pour montrer le visage de Jésus

Demandons à Jésus d’être « oui » des pieds à la tête, de nous effacer et nous lui dirons tous du fond du cœur, cette petite prière : Jésus, effacez-moi en vous pour que je puisse montrer votre visage.

– Mais oui, bon, alors… qu’est-ce que les envoyés ont à faire ? Ils ont à montrer le visage de… ? Quoi ?

– Le visage du Bon Dieu., voilà, c’est magnifique. Le visage du bon Dieu.

Et vous êtes chrétiens pour ça. Vous êtes chrétiens pour montrer le visage de Jésus. Hein, c’est formidable ! Montrer le visage de Jésus. Et comment est-ce qu’on peut montrer le visage de Jésus ?

Comment est-ce qu’on peut montrer le visage de Jésus ? La petite fille, le petit garçon qui ne pense qu’à soi, qui se vante, qui se met en avant, qui veut toujours être le premier ou la première, qui donne un croc-en-jambe aux autres, pour les empêcher d’avancer, est-ce qu’il montre, ou elle montre le visage de Jésus ?

– Non ! Alors, comment est-ce qu’on montre le visage de Jésus ? Rappelez-vous la petite fille le jour de sa Première Communion : « Il m’efface ». Alors, on montre le visage de Jésus quand on s’efface en lui, quand on pense à lui, quand on l’écoute et quand on pense qu’on le porte en soi.

Vous allez communier tout à l’heure. Écoutez, vous allez communier tout à l’heure et Jésus va venir en vous pour vous changer en lui, pour que vous portiez son visage et que vous montriez son amour. Alors, voulez-vous, mes petits-enfants, écoutez bien, voulez-vous penser à ceci – nous y penserons tous – Jésus nous envoie pour montrer son visage.

Comment est le visage de Jésus ? Quand vous êtes en colère, quand vous dites « non ». Quand vous tapez du pied, quand vous refusez de faire les commissions, quand vous êtes paresseuse ou paresseux, est-ce que vous montrez le visage de Jésus ? – Non !

– Non. Voilà… Alors, à notre place, que ferait Jésus ? Qu’est-ce qu’il ferait ? À notre place ?

Il dirait « oui ». Ah ! Voilà ! Il dirait « oui » et il serait « oui » – des pieds à la tête. Ca y est ? Alors nous allons demander à Jésus d’être « oui » des pieds à la tête, de nous effacer et nous lui dirons tous du fond du cœur, cette petite prière : « Jésus, effacez-moi en vous pour que je puisse montrer votre visage ».