16-18/07/2014 – Homélie – Dieu-Mère

Homélie
à des enfants prononcée par Maurice Zundel en Suisse le 7 octobre 1955, fête de Notre-Dame du Rosaire. Publié dans Ta parole comme une source p.374 (*)

Vous souvenez-vous, vous souvenez-vous de la première fois où vous avez dit : Maman ! Quand vous étiez de tout petits enfants ? Vous souvenez-vous ? Qui est-ce qui se souvient ?… Personne ?… Pensez-vous que votre maman s’en souvienne ?… Sûrement ! Une maman se souvient toujours de cette première fois où son enfant lui a dit : Maman ! Pourquoi ?… C’est la plus belle musique pour une maman d’entendre ce mot de la bouche de son enfant.

Une petite fille s’appelait Chantal. On lui demandait : « Comment t’appelles-tu ? » Elle dit : « Je m’appelle Chantal. »« Oui, mais Chantal comment ? »« Mais Chantal Maman ! » Qu’est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi est-ce qu’elle s’appelait Chantal Maman ? Pourquoi ?… Pourquoi ce nom est-il jailli de son cœur : je m’appelle Chantal-Maman Parce que, pour elle, Maman ça voulait dire : toute la joie, tout l’amour, toute la présence, toute la tendresse.

J’avais un ami qui était un académicien. Il était très âgé : il avait plus de 80 ans. Et il était très malade, et il allait mourir. Il avait auprès de lui sa femme, qu’il aimait beaucoup. Mais ce n’était pas sa femme qu’il appelait, il appelait : Maman ! A plus de 80 ans ! Pourquoi ?… ?… Parce que, au fond de son cœur, au fond de sa conscience, ce mot était de nouveau toute l’espérance, toute la confiance, toutes les présences et toutes les tendresses.

J’ai connu une femme dont le fils était emmené en prison entre deux gendarmes. Et cette femme me disait : « Si sa maman ne l’aimait pas, si sa maman ne l’aimait plus, qui l’aimerait donc encore ? » Elle voulait dire : c’est impossible qu’une maman n’aime plus son enfant. Si elle ne l’aimait pas, alors personne au monde ne pourrait encore l’aimer, il serait perdu.

Alors une maman, c’est l’image de tout ce qu’il y a de meilleur au monde. Et pourtant, est-ce qu’une maman, c’est le Bon Dieu ?… ? Non ! Ce n’est pas le Bon Dieu, mais c’est la plus belle image du Bon Dieu.

Il y avait un petit garçon qui se préparait à sa première communion dans un jardin de Beauvais, en France. Ce petit garçon était très intelligent – comme vous – et il jouait tout seul, dans le jardin et il essayait de nommer les couleurs. Et c’est comme ça qu’il faisait sa retraite de première communion, tout seul, en écoutant le chant des fleurs et le silence de Dieu et, tout d’un coup, il bondit près de sa mère qui était en train d’écrire (elle était écrivain), il se plante devant sa maman et lui dit : « Maman, tu es trop, et pas assez ! » Et il s’en va. Sa mère n’a jamais su ce qu’il voulait dire : « Maman, tu es trop, et pas assez ! »

Moi, je trouve ça admirable. Il voulait lui dire : Maman, Maman, mais oui, tu es comme le soleil de la maison, tu es le sourire de la bonté : tu es comme Dieu, mais tu n’es pas encore… Dieu : tu es trop et pas assez !

Est-ce que Dieu est une maman ?… ?… ?… Non ? Comment ?… et alors qui a créé le cœur des mamans ?… ?… Alors où est-ce qu’il a pris toute la tendresse qu’il a mise dans le cœur des mamans ?… Dans son cœur ! Alors, il est bien plus maman que toutes les mamans ! C’est pas vrai ?… ?…

Alors, est-ce que nous pouvons dire « Maman«  au Bon Dieu ?… Est-ce que nous pouvons l’appeler « Maman » ?… ?… Mais oui ! Mais oui ! C’est tellement vrai que Dieu nous a donné un moyen de L’appeler « Maman« , à travers ?… ?… à travers qui ?… ?… Aujourd’hui, c’est la fête ?… de la Sainte Vierge, de Notre-Dame des Roses, de Notre-Dame du Rosaire. Eh bien ! A travers la Sainte Vierge, quand nous disons « Maman« , vers qui monte ce cri ? Est-ce qu’il ne monte pas vers le Bon Dieu ?

Eh oui, la Sainte Vierge, c’est la mère de Jésus, c’est la plus parfaite des mamans, c’est notre maman à tous ! Et il y a Quelqu’un qui est encore infiniment plus maman qu’elle, c’est ?… ? C’est Dieu lui-même ! C’est Dieu lui-même ! Et c’est pour nous apprendre à lui dire « Maman« , que le Bon Dieu, justement, nous a donné la Sainte Vierge pour que, tout naturellement, parce qu’elle est une maman, nous apprenions, à travers le cœur de la Sainte Vierge, nous apprenions à dire « Maman«  au Bon Dieu.

Qui est-ce qui a oublié sa prière du matin et du soir parmi vous ? Qui est-ce qui l’a oubliée ?… Ayez le courage de lever la main ! Qui est-ce qui l’a oubliée ?… ?… Personne ne l’a oubliée ?…

Vous êtes parfaits… Bon ! Alors… Écoutez : il y a un moyen merveilleux de ne jamais oublier de faire sa prière : de dire, en se levant et en se couchant : « Maman ! » au Bon Dieu. Ça suffit. Dire « Maman«  au Bon Dieu en y mettant tout son cœur, c’est la plus belle prière du matin, c’est la plus belle prière du soir et c’est la plus belle prière du midi, et la plus belle prière de toutes les heures. Vous comprenez ?… C’est difficile ?… Non ! Ça vous ennuie souvent de dire votre prière et de dévider toujours les mêmes mots ? Mais ce petit mot « Maman« , s’il jaillit de votre cœur, il monte tout droit vers le cœur de Dieu. C’est merveilleux !

N’oubliez jamais ça. Moi, je ne l’oublie jamais ! Ça m’arrive très souvent de dire « Maman«  au Bon Dieu. Je trouve ça tout naturel !… à travers le cœur de la Sainte Vierge, bien entendu : rien n’est plus naturel. Alors, écoutez, ne vous fatiguez pas avec des prières, ne vous fatiguez pas avec des mots… mais dites simplement : « Maman » et, quand nous sommes tentés, il faut dire : « Maman » pour nous jeter dans le cœur du Bon Dieu. Vous comprenez ?

Qu’est-ce que c’est que le Bien ? Qu’est-ce que c’est que le mal? Qu’est-ce que c’est que le mal, qu’est-ce que c’est que le bien ?

Qu’est-ce que c’est le mal ?… ?… Comment ?… ?… Quand on désobéit ?… C’est beaucoup plus grave que ça le mal. Qu’est-ce que c’est que le mal ?… ?… C’est blesser… quelqu’un, c’est blesser quelqu’un !… C’est tuer… ?… Oui… qui ?… C’est tuer, c’est blesser Dieu dans son cœur et c’est le tuer !… C’est vrai, c’est ça ! Comme dit la Bible, la sainte Écriture, c’est empêcher la musique, cette merveilleuse musique qui est au fond de notre cœur et qui est le Bon Dieu lui-même. Alors, pécher, c’est blesser le cœur du Bon Dieu, pécher, c’est tuer la vie de Dieu en nous. Comprenez-vous ?

Et qu’est-ce que c’est que le bien ? Le bien, le bien, c’est la vie, la vie de Dieu en nous. Le bien, c’est ça. Le bien, c’est Quelqu’un, le bien, c’est une Présence, c’est une Personne, c’est une lumière vivante, c’est Dieu en nous !

Vous vous rappelez ce moine, ce moine qui était assassiné à coups de couteau par un bandit et, en mourant, le moine a dit au bandit : « Toi aussi, tu portes Dieu dans ton cœur ! » Il ne lui a pas dit : « Tu es un bandit, un brigand parce que tu m’as tué. » Il lui a dit : Attention, toi aussi, tu portes Dieu dans ton cœur ! Il voulait donc le ramener à cette lumière qu’il portait en lui et lui faire comprendre que, s’il faisait le mal, il tuait Dieu, mais que, s’il faisait le bien, il laissait vivre Dieu en lui et il devenait le berceau du Bon Dieu.

Ce petit mot, « Maman », veut donc dire beaucoup de choses. Il veut tout dire, toute la joie, toute la tendresse, tout l’amour, toute la lumière du monde. Et c’est la plus belle prière !

Et maintenant, la question se pose : est-ce que nous, nous aussi, nous pouvons être la maman du Bon Dieu ?… ?… Non ?… Oui ?… Oui, il faut dire oui, oui !

Vous vous rappelez la petite fille qui était tellement heureuse qu’elle ne savait plus comment faire pour exprimer son bonheur et qui saute au cou de sa maman, en lui disant : « Maman, tu es née de mon cœur ! » Maman, tu es née de mon cœur ! C’est merveilleux ! Ça voulait dire : « Maman, tu es comme ma petite fille ! »

Est-ce que Dieu peut naître de notre cœur ? Est-ce que nous pouvons dire au Bon Dieu : « Vous êtes né de mon cœur ?… ?… »

Notre Seigneur a dit un jour ce mot qu’il ne faut jamais oublier, Notre Seigneur a dit : « Celui qui fait la volonté de mon Père, est mon frère, et ma sœur, et ma mère: » (Mt 12, 50). C’est Notre Seigneur qui l’a dit : celui qui fait la volonté de mon Père est ma mère, c’est-à-dire : il devient le berceau de la lumière, de la grâce, de la bonté, c’est-à-dire de Dieu même. Compris ?… Celui qui fait la volonté de mon Père est mon frère, et ma sœur, et ma mère. Vous retenez cette parole. Compris ?… « est ma mère… » Alors, ce mot « maman », ça veut dire cette chose merveilleuse : nous pouvons devenir, nous aussi, le berceau de Dieu.

Comme la Sainte Vierge, nous sommes tous appelés à être le berceau du Bon Dieu, à laisser vivre en nous cette merveilleuse lumière, cette joie et cette beauté.

On pourrait faire un catéchisme, et ce serait le plus beau catéchisme, simplement avec ce petit mot: maman ! Et on se souviendrait qu’on porte en soi la lumière, et la musique, et la joie, et l’amour qui est Dieu, et qu’on est appelé à devenir la maman du Bon Dieu… D’accord ?

Tout est là : tout le mystère de la foi, toute la religion, tout l’Évangile !

Et maintenant, qu’est-ce que nous allons faire ? Eh bien ! Nous allons tout simplement nous tourner vers le Bon Dieu, de tout notre cœur et, par Notre Dame des Roses, par le cœur de la Sainte Vierge, qui est notre mère à tous, nous allons lui dire, dans le creux de l’oreille :

« MAMAN ! »

(*) TRCUSLivre « Ta parole comme une source, 85 sermons inédits »

Publié par Anne Sigier, Sillery, août 2001, 442 pages

ISBN : 2-89129-082-8