11/08/2008 Toute la mission de Jésus est représentée par les chrétiens dans le signe de la Croix, le mystère de la Croix en est la clé de voûte. l’histoire du Christ exige au plus haut degré un critère intérieur.

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2 de la 5ème conférence donnée à Bourdigny en août 1937. Des choses très importantes y sont dites.

« Il y a dans ces textes (« sités » le 09/08/08) une apparence de contradiction qui peut expliquer pour­quoi tant d’histoires différentes ont pu être tirées du même texte. Ceci étant accordé, il ne faut pas oublier qu’il y a dans l’histoire une multitude de critères différents.
Il y a le critère analogique qui fait que, pour comprendre le phénomène que l’historien veut expliquer, il faut situer ce phé­nomène dans son ordre propre. Le « reporter » de journal qui suit une course cycliste, évidemment, n’appliquera pas à cet événement les mêmes critères que pour rapporter les états mystérieux contemporains de Thérèse Neumann ! Pour s’approcher de ce phénomène mystique, il faut évidemment un autre regard, un climat de respect qui atteint une certaine intério­rité de vie, il faut se situer un peu au centre de ce mystère pour donner à ces stigmates (de Thérèse Neumann) leur signification véritable. Dès qu’on veut voir l’histoire dans son sens profond, qu’on veut donner une explication véritable des événements, pour les comprendre, il faut les situer dans leur ordre propre. Or l’histoire d’un Saint se situe dans l’ordre de la vie intérieure, et, au plus haut degré l’his­toire du Christ exige un critère intérieur.
Tous les gestes, les remous, les phénomènes, sont des appa­rences, pour comprendre le sens profond de ces mots, de ces remous, il faut se situer à l’intérieur, dans la vie de l’esprit, il faut sentir ce que c’est que la sainteté ! à partir de ce centre, on pourra remonter à la périphérie. C’est à travers ce critère intérieur que nous comprendrons que le Christ nous est connu plus encore à travers le mouvement qu’il a suscité dans le monde par l’Eglise que par les paroles de l’Evangile !
Vous savez bien que les textes chrétiens, tous les textes du Nouveau Testament sont postérieurs â l’existence de l’Eglise; ils ont été écrits dans l’Eglise, par elle et pour elle. Ils constituent simplement une partie du témoignage à travers lequel nous pouvons voir Jésus. Or il y a une certaine direction absolument paradoxale, invraisemblable, suivant laquelle s’est développé tout l’enseignement de l’Eglise touchant Jésus : toute la mission de Jésus est représentée par les chrétiens dans le signe de la Croix, le mystère de la Croix en est la clef de voû­te.
Or, il n’y a pas de donnée plus contraire aux espérances d’Israël, mais il n’y a pas non plus de donnée qui représente plus vitalement le sens même de la mission de Jésus. S’il était une chose que ce milieu était incapable d’inventer, une chose reçue de Lui, une chose revêtue de Sa Personne, c’est sans aucun doute le signe de la Croix : toute cette folie où Saint Paul voyait le paradoxe de son apostolat : « Je ne sais qu’une seule chose, c’est Jésus et Jésus crucifié. »
Nous tenons là, quelque chose d’absolument fondamental : la mission du Christ est inséparable de l’Eglise. C’est ce qui fait que les textes eux-mêmes dont nous dis­posons et qui émanent de cette société sont pleins de sa vie (de la vie de l’Eglise), nous sommes là au centre d’une donnée simple : ce qui est au coeur de ces textes, au coeur de cette Eglise, c’est le mystère de la Croix. Or que représente le mystère de la Croix, sinon la né­gation de toutes les espérances d’Israël ?
Il suffit de lire les Psaumes pour entrer dans le climat d’Israël qui est une chose magnifique. Toutes les conceptions Michel-Angesques, tout ce tumulte, toute cette puissance, tout cela n’est qu’un reflet de la piété judaïque qui voyait en Dieu, la Toute-Puis­sance, parce que Dieu est avant tout, pour eux, le Dieu de majesté, le Dieu qui foudroie la création, et, quand le psalmiste veut louer Dieu, il dira qu’il n’a pas laissé s’accomplir toute sa colère et qu’il a retenu le bras de sa fureur, il conçoit que Dieu peut briser et anéantir sa créature parce qu’il est le Dieu Tout-Puissant. Cette conception est titanesque, immense, magnifique, elle a donné naissance aux accents de la piété la plus sincère et la plus authentique ! mais elle doit s’ouvrir à tout autre chose. (dans le texte : mais elle peut tellement s’ouvrir à autre chose !)
Quelle distance entre ce climat, entre cette conception de Dieu, entre cette attitude de l’âme devant Dieu, ET celle de Saint François d’Assise ! Quel abîme entre les deux montagnes du Sinaï et de l’Alverne ! Nous tenons ici le centre, justement, de cette nouveauté mystérieuse que le Christ a engagée dans le monde.
Si l’on dit que Jésus est juif et qu’il a accompli les Prophètes, c’est vraiment dans un sens tellement éminent, qu’on pour­rait, tout aussi bien, dire qu’il renie toute l’histoire d’Israël, toutes les conceptions du judaïsme. Il se situe tellement plus haut que toutes les conceptions humaines. Ceci est tellement vrai qu’Israël, courbé sur ses prophètes, tellement vrai que tous ses docteurs, tous ses prêtres entourés de philactères et portant les textes sacrés, ont été incapables de voir en Lui l’accom­plissement des prophètes ! Il les accomplissait, oui, mais en esprit, à une hauteur infinie, telle que la foi seule puisse le saisir en faisant le raccord entre la donnée matérielle ouverte sur le Christ ET l’accom­plissement par le Christ de son (dans le texte : cet) élan immatériel. Il en est l’accomplissement divin à un degré infini et imprévisible.
Nous commençons à entrer par là, dans ce drame de Jésus, nous comprenons, nous devinons, quelle nécessité va s’imposer au Sauveur lorsqu’il devra lâcher ce grand secret de la faiblesse de Dieu. » (à suivre)