06/11/08 Le mystère de l’Immaculée Conception.

2ème partie de l’homélie donnée au mont des Cats le 8 décembre 1971.

« Car l’Immaculée Conception, c’est précisément l’aspect intérieur de la conception virginale. La conception virginale, le fait que Jésus soit né sans le concours de l’homme, n’aurait aucun intérêt si cette conception virginale n’eut trouvé son sens et son origine dans l’Immaculée Concep­tion qui est justement la consécration totale de l’être de Marie à Jésus, qui est le règne de Jésus en Marie dès le premier instant de son existence, qui est la personnalisation de Marie par sa relation à Jésus.

C’est parce qu’elle est toute entière de Lui, à Lui et pour Lui, c’est parce qu’elle est totalement vidée d’elle-même, c’est parce qu’elle est la femme pauvre qui ne possède rien que d’être une pure relation à Jésus, c’est à cause de cela qu’elle concevra et enfantera virginalement.

Ayant porté le Verbe de Dieu dans son esprit, s’étant nourrie de Sa lumière, étant consumée par Son Amour, il se fera un rejaillissement de cette Présence du Verbe dans l’esprit de Marie sur toutes les fibres de sa chair virginale qui deviendra le berceau du Verbe Incarné.

Comment dire cette pauvreté de Marie ? Comment prendre conscience de cette pureté qui est la désappropriation totale de soi-même ? Comment nous représenter cette contemplation qui personnalise Marie dans sa rela­tion totale à Jésus ?

Cette pureté, c’est cette pureté ontologique, cette pureté qui est la trans­parence de tout l’être, cette pureté qui est la liberté infinie, cette pureté qui est l’offrande, cette pureté qui fait d’elle le berceau non seulement du Verbe Incarné mais de toute l’humanité et de tout l’univers, car sa maternité, cette maternité qui naît de sa contemplation et de son dépouillement, cette maternité, elle ne concerne pas elle-même mais toute l’humanité, mais toute la Création qui va retrouver sa splendeur à travers le règne de Jésus Christ.

L’Immaculée, le premier fruit de la Rédemption, Marie, la première chrétienne, la plus parfaite, la Mère de l’Eglise, la mère du genre humain et de tout l’univers !

Je me souviens – c’était à l’aube de ma quinzième année – je me souviens de cette rencontre avec l’Immaculée, de cet appel impérieux à une pureté totale dont je ne savais pas encore qu’elle signifiait avant tout le dépouille­ment de soi, la libération du moi possessif dans lequel nous sommes tous emprisonnés, mais déjà je savais qu’à travers Marie notre humanité s’enrichissait d’un regard nouveau, que le monde entier se transfigurait dans cette lumière, que ni l’homme ni la femme n’avaient le même sens, que l’amour prenait une autre dimension, que toutes les horreurs de l’histoire, toutes les cruautés de la nature pouvaient être surmontées dans le rayonnement de la divine tendresse.

Virgo virginans ! Ô Vierge qui nous virginisez ! ô Vierge, notre regard ! ô Vierge qui nous conduisez à Jésus ! Ô Vierge qui enfantez le Christ en nous ! Ô Vierge, Mère de Dieu ! Ô Vierge qui réalisez dans le monde, pour la première fois, la Création authentique, celle que Dieu veut et qui doit être l’écho de l’éternelle musique qui retentit silencieusement au coeur de la Trinité Divine !

Mais cette virginité de Marie, elle n’est pas seulement à contempler, elle n’est pas seulement le ferment en nous d’une purification radicale, elle est aussi l’âme de tout apostolat. Car finalement quelle est notre mission ? Qu’avons-nous à faire dans le monde sinon enfanter le Christ ?

Notre mission n’est pas de construire des systèmes, d’élaborer des méthodes et des techniques ! Notre mission, c’est de donner Jésus Christ ! Notre mission, c’est de communiquer Sa Présence, et donc une invitation à se dépouiller, à se désapproprier de soi, à faire ce vide en soi, à faire de tout soi-même un immense espace où le monde entier puisse être accueilli, et c’est par là que l’Immaculée Conception nous touche au plus profond de l’être.

Il y a là un mystère d’une brûlante actualité puisque nous ne pouvons rien pour ce monde qui attend tout, si nous n’entrons pas dans ce dépouillement total, si nous ne laissons pas transparaître à travers nous le Visage du Seigneur, si nous ne faisons pas le vide en nous pour que la Vie divine puisse s’y répandre sans rencontrer de limites ni d’obstacles.

Plus que jamais nous avons à nous faire les disciples de l’Immaculée, à l’invoquer pour obtenir cette purification radicale, à la regarder pour que son regard virginise le nôtre (1), plus que jamais nous avons à apprendre à travers elle la divine tendresse car finalement, à travers cette femme bénie entre toutes les femmes, à travers cette fille du Verbe dont elle va devenir la mère, à travers cette dignité, à travers cette grandeur, que percevons-nous sinon la maternité de Dieu ? Car Dieu est mère autant qu’il est père et, à travers le coeur de Marie, ce cri filial que nous ne cessons de jeter au coeur de toutes nos détresses, ce cri filial de « maman « , qu’il monte jusqu’au Coeur de Dieu !

C’est là le grand trésor, c’est là le dernier mot de notre immense amour de la Vierge bénie, c’est là le dernier mot de notre cri vers elle, et notre cri vers Dieu qui est encore plus mère qu’elle, infiniment plus mère que toutes les mères car, dit le Seigneur,  »quand une mère oublierait ses enfants et ne se souviendrait plus du fruit de ses entrailles moi, je ne vous oublierai jamais !  » (fin de l’homélie)

(1) Personnel (à reprendre ?). On se sent, comme en bien d’autres circonstances, bien peu apte à entrer dans l’intelligence mystique profonde de ce qui est dit ici, comme en bien d’autres endroits, par Zundel. D’où toujours cette nostalgie d’une communauté zundélienne où, durant de longs temps, on pourrait bien davantage, aidé par le silence des autres, commencer à pénétrer le sens de ces mots qui peuvent ne rester que des mots : tout devrait être souligné mais le soulignement ne suffit pas. Que d’autres, dans combien de décennies ?, aient le privilège d’y vivre un jour !

Nous remarquons aussi combien rares sont encore dans notre Eglise des propos de ce genre, ils n’y ont même encore jamais été entendus. Ils contiennent pourtant certainement les véritables clés pour faire se dissoudre les malentendus séculaires entre les chrétiens sur le mystère de Marie révélateur de la maternité divine à laquelle sont appelés tous les hommes.