03/10/09 La façon par excellence d’être créé et sauvé à l’image et selon la ressemblance d’un Dieu Trinité. (Personnel)

Quand
les chrétiens pensent au mystère de la Trinité – ce qui leur arrive rarement ! – au mieux, ils se représentent le Dieu trinitaire enfantant de toute éternité le Fils et laissant procéder l’Esprit du Père et du Fils à l’extérieur de nous et de notre histoire puisque cela s’accomplit éternellement et donc dès avant la création de l’homme. En vérité et réalité cette vision est erronée : éternellement le lieu de ces deux opérations trinitaires est toujours le cœur de l’homme, mon cœur à moi, l’homme existant dès avant la création de l’univers au moins comme un choix de Dieu, c’est saint Paul qui nous le dit.
Et il faut ajouter immédiatement que non seulement Dieu accomplit éternellement ce qui fait qu’Il est ce Dieu-là dans le cœur de l’homme, mais Il veut que l’homme y soit associé, en soit en quelque sorte lui-même l’opérateur de toute éternité.
Il faut bien saisir que l’Esprit-Saint n’a, si l’on peut dire, d’autre raison d’être éternellement que d’opérer l’engendrement du Fils par le Père et de jaillir de cette opération en même temps qu’il en est l’opérateur, et que, s’il est présent en nous, il n’y peut donc qu’accomplir la même opération, mais maintenant et éternellement (c’est bien la vie éternelle qui nous est donnée par le Christ) en y associant l’homme. Ceci est totalement nouveau et n’apparaît encore en aucun catéchisme ou initiation à la foi chrétienne, et cela nous donne l’immense avantage de rapprocher Dieu de chacun de nous d’une façon inimaginable en dehors de la foi chrétienne.
L’homme est créé pour accomplir lui-même ce qui fait que Dieu est Dieu, vivant ainsi son être à l’image et selon la ressemblance de Dieu (et par là sauver son âme !). On ne peut pas être créé et sauvé à l’image et à la ressemblance d’un Dieu Trinité autrement. C’est infiniment plus qu’une simple ressemblance « extérieure »

J’ai sous les yeux le programme des cours et conférences donnés au centre d’études théologiques de Caen pour l’année 2008-2009. On peut lire dans l’édito : « A force d’explications fidèles, de traductions scrupuleuses, d’adaptations minutieuses aux langages de leur époque les chrétiens n’ont cessé de rendre compte de l’espérance qui les habite en acceptant par exemple de se situer sur les terrains rigoureux de la rationalité. La foi chrétienne est donc « intelligible ». Mais ce n’est pas tout. Non seulement son expression peut être recevable par tout être doué de raison mais elle permet aussi à tous les hommes de bonne volonté de comprendre le monde dans lequel ils vivent. Autrement dit la foi chrétienne, à la fois source et origine d’une réflexion autonome est « intelligible » mais aussi « intelligente ».
La liste est imposante des auteurs, tous très qualifiés, qui livreront leur enseignement sur tout ce qui peut concerner cette foi chrétienne. Il y a certes une histoire de la spiritualité (page 20) donnée par Hubert de Balorre, avec un chapître sur les mystiques rhénans, mais il n’y figure pas d’histoire de la mystique chrétienne comme telle, de même qu’elle n’était et n’est pas enseignée, du moins comme telle, dans les grands séminaires.
J’ai posé la question à Bernard de Boissière : pourquoi cette carence ? – parce que, m’a-t-il répondu immédiatement, parce que la mystique est de l’ordre de l’irrationalité. On pourrait ajouter : parce qu’il y a eu toujours, et il y a encore dans l’Eglise une sorte de méfiance vis-à-vis de la mystique, du fait qu’elle n’est pas parfaitement objectivable.
Pourquoi, pourrait-on se demander aussi, alors que Maurice Zundel a été reconnu par le Pape Paul 6 dans un échange avec Jean Guitton, comme un génie spirituel pour notre époque, pourquoi son successeur, Jean-Paul 2 n’a-t-il jamais prononcé même seulement son nom ? Et pourquoi au moins ce nom ne figure-t-il pas dans les catéchismes, français ou de Rome, dans lesquels on ne trouve pratiquement aucune citation, sinon très rare et très brève, des grands mystiques de notre histoire ?
Quand on constate combien de personnes, combien de prêtres, se sont profondément convertis avec la fréquentation de Maurice Zundel, on peut se demander si un enseignement intelligent de la mystique chrétienne n’aurait pas empêché certains prêtres, surtout après 1968, d’abandonner leur état clérical, Zundel a développé ce thème de réflexion.
J’ai reçu autrefois, il y a très longtemps, un enseignement peut-être aussi poussé que celui donné aujourd’hui au centre théologique de Caen, je ressentais déjà comme un manque qui n’a commencé à être comblé qu’avec la découverte de la pensée mystique de Maurice Zundel, et je continue d’en vivre depuis plus de 30 années. Et je vois comment les « sitations » quasi-quotidiennes sur le site elan-en trinité (et aujourd’hui « www.mauricezundel.net »)depuis plus de 3 années, ont pu amener quelques-uns, sinon beaucoup, à une semblable conversion.
D’où la question combien délicate : manque-t-il quelque chose d’essentiel dans l’enseignement théologique courant encore dans l’Eglise ? Question infiniment difficile quand on voit que ceux qui le dispensent sont des personnes de tout premier plan, plus que valables, et remplies de la meilleure volonté, et quand on est et reste certain que cet enseignement classique est indispensable.
L’irrationnel , il faut le remarquer, n’est pas seulement dans la mystique, il est dans la Bible, il est dès le début du nouveau testament, car comment peut-il se faire que, lorsque Dieu s’incarne, il naisse dans la plus grande pauvreté et meurt sur la Croix dans le dénuement le plus total ? Cela défie le bon sens le plus commun qui toujours se représente d’abord Dieu comme un être infiniment riche puisque créateur de toutes choses.
J’en suis venu à penser que, contrairement aux premières apparences, et tout à fait en contradiction avec elles, le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu pauvre, le Dieu découvert dans l’expérience chrétienne authentique, est parfaitement conforme à la raison humaine. Mais il faut aller beaucoup plus loin et pour cela il faut par exemple lire et relire l’admirable texte « sité » hier, et beaucoup d’autres du même acabit, en se disant et redisant qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Celui-là, et qu’il est le seul capable de combler notre cœur et toute notre personne. Toute la question reste du comment de l’assimilation de ce Dieu-là.
… De grands esprits comme Luc Ferry et Comte-Sponville, et bien d’autres, auraient sans doute évolué autrement dans leur pensée s’ils avaient assimilé en profondeur l’essentiel de la mystique zundélienne. Si l’on en devient familier, on s’aperçoit vite qu’elle fait s’évanouir toutes les principales objections contre le christianisme.