Les péchés seront remis

Tout
péché, comme toute contrition, ont une portée universelle ou l’homme avec Dieu sont ensemble concernés.

Chers amis,

Quelle formidable parole que celle que nous venons d’entendre : « Les péchés sont remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »( Jn. 20, 23 )

Ces paroles s’adressent à des hommes, ces paroles se perpétuent dans la vie de l’Eglise et il suffit de regarder les confessionnaux qui constituent un des mobiliers d’une église, pour se rendre compte, en effet. L’Eglise a pris au sérieux ces paroles de Jésus et qu’elle croit à ce pouvoir invraisemblable de remettre les péchés.

Comment cela est-il concevable ? Comment pouvons-nous vivre ce pouvoir infini ? Comment une bonne partie de notre vie sacerdotale est-elle consacrée, précisément, à cette mission divine de remettre les péchés ?

Pour comprendre et pour situer cette parole, il nous suffit de se rappeler le
 » Mandatum « , la dernière consigne de Jésus à ses disciples et à nous-même : « C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples : si  vous vous aimez les uns les autres, comme je vous ai aimés ».' » ( Jn. 13,35 )

Nous avons souvent remarqué ce paradoxe, cette finale de l’Evangile, ce dernier message de Jésus qui ne porte pas sur Dieu, mais sur l’homme. Le dernier mot du plus grand des prophètes qui est le Fils de l’homme, le Fils de Dieu, est, non pas d’aimer Dieu, ce qui semblerait aller de soi, mais d’aimer l’homme.

C’est cette même identification que nous retrouvons dans ce don communiqué aux Apôtres au soir de Pâques : de remettre les péchés.

C’est que, il y a entre Dieu et l’homme, une union indissoluble. C’est que Dieu ne peut apparaître que dans l’homme. Il ne peut devenir une Présence réelle dans l’histoire humaine, qu’à travers nous.

Impossible de le rencontrer sinon à travers un visage humain. Impossible aussi de l’aimer sinon à travers ses membres vivants qui sont les hommes, et impossible de concevoir une faute contre Dieu qui ne soit pas, au même degré, une faute contre les hommes.

Toute âme qui s’élève, élève le monde, disait si profondément Elisabeth, Elisabeth Lesueur, et toute âme qui s’abaisse, nous pouvons le conclure corrélativement, toute âme qui s’abaisse abaisse le monde.

Il y a dans toute absence de notre cœur à Dieu, il y a dans tout refus d’amour, une diminution de la lumière divine dans l’univers, un affaiblissement de la Présence divine dans l’humanité qui nous rend vraiment responsable à l’égard de tout l’univers, parce que tout l’univers respire en Dieu, dans la nouvelle, dans la mesure où il est vivant.

C’est pourquoi il est impossible de se convertir, de se retourner vers Dieu, de décoller de soi, sans offrir aussi un hommage de réparation à toute l’humanité et à tout l’univers. Et c’est pourquoi, il est comme naturel, que se situe sur le chemin de notre retour à Dieu, cette médiation sacramentelle de l’homme, qui nous absout, non seulement au nom de Dieu, mais au nom de l’humanité et au nom de l’univers. Si l’on solidarise ainsi comme il le faut, le pouvoir de remettre les péchés et le  » Mandatum  » : la dernière consigne de Jésus à ses disciples et à nous-même, rien ne paraît plus naturel en quelque sorte que cette communication faite à l’homme du pouvoir de remettre les péchés.

Dieu est la vie de notre vie. Il est impossible de le rencontrer en dehors d’une expérience humaine. Et c’est là que blesser l’homme, c’est blesser Dieu; et que, un homicide est toujours un déicide ; que tuer un homme moralement, c’est identiquement tuer Dieu.

C’est pourquoi tout retour à  Dieu est aussi un retour à l’homme, et réparation de la vie divine dans notre âme est un surcroît de vie et de solidarité humaine qui accompagne inévitablement et indissolublement cette restauration de la vie divine en nous. Et nous retrouvons de nouveau, ici, cette révélation incomparable du visage de Dieu qui est le propre de l’Evangile, ce visage de Dieu incarné, ce visage de Dieu qui entre dans l’histoire, qui est inséparable de la tragédie humaine et que nous pouvons redécouvrir qu’en donnant aux autres, comme à nous-même, un visage humain, c’est-à-dire un visage qui a une valeur et une dignité infinie, parce qu’à travers lui justement, transparaît la Présence infinie qui est la vie de notre vie.

Et nous pouvons nous réjouir de ce que la logique de la foi ait gardé dans l’Eglise, au-delà de toutes les polémiques, ce sentiment d’une solidarité absolue entre l’homme et Dieu et cette affirmation du pouvoir de remettre les péchés qui concerne l’homme autant que Dieu et nous allons conclure de cette identification affirmée sous tant d’aspects dans la vie de l’église, nous voulons en conclure la reconnaissance de l’humanité de Dieu d’une part, et de la divinité de l’homme d’autre part.

Dieu est infiniment humain, il est infiniment, infiniment proche. Il est la dimension infinie, vivante, libératrice de notre existence qui ne peut déboucher sur l’infini qu’à travers lui. Et l’homme, à son tour, est ennobli incomparablement par cette habitation de Dieu qui fait de chacun de nous le temple de l’Esprit saint.

Rien n’est plus concret, rien n’est plus réaliste que l’Evangile de Jésus Christ et aucune vie mystique n’est plus profondément enracinée dans le sol que cette vérité de l’Evangile, puisqu’il est impossible d’aller à Dieu sans passer par l’homme et que, il nous est interdit d’aller déposer notre offrande sur l’autel avant de nous être réconciliés avec nos frères, si nous nous souvenons qu’ils ont quelque chose contre nous.

Quelle grâce demander, sinon celle d’estimer l’homme au niveau même où Dieu le situe, et de voir dans l’homme l’équivalent du sang du Seigneur qui a été répandu pour lui.  Et de demeurer fidèle à toutes les exigences de notre conscience, non pas seulement parce que nous blessons Dieu, ce qui est déjà intolérable, mais parce que inévitablement nous diminuerons dans le monde, nous diminuerons dans le monde,  la lumière, la joie et la présence de Dieu.

Mais puisque il faut conclure positivement :  » Toute âme qui s’élève, élève le monde « , demandons donc au Seigneur, que dans notre fierté d’être homme, dans notre désir d’être des créateurs, nous donnions justement à notre effort, cette ampleur universelle, que nous sachions que dans notre paix, dans notre  persévérance, dans notre combat contre toutes les forces qui pourront, qui pourraient mettre en péril en nous la dignité humaine, nous ne luttions pas seulement pour nous, mais pour tout l’univers et que le Royaume de Dieu s’accomplisse précisément dans cette fidélité de chacun envers soi-même, puisque, encore une fois, toute âme qui s’élève, élève le monde.