Le chrétien est un envoyé qui n’est plus lui‑même, mais le Christ

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« Homélie de Maurice Zundel au Caire en 1957.

Résumé : Le chrétien est chargé d’annoncer la Parole. Les apôtres n’étaient plus eux-mêmes, mais Christ, alors malgré leur petit nombre, ils ont réussi. Il faut sortir d’un esprit minoritaire et sans crainte apporter cette plénitude de vie, de grandeur, de liberté.

 

La mission

Le chrétien est un envoyé chargé d’une mission, chargé des autres. On n’est pas chrétien pour soi, mais pour prendre en charge toute l’humanité et tout l’univers. Etre envoyé, c’est être universel, poursuivre la mission du Christ, être lui. Le chrétien ne peut pas vivre pour son propre salut, mais pour celui de tout l’univers. Le Christ n’est pas venu pour nous donner le repos, mais pour apporter le feu qui doit consumer toute la terre. Nous n’avons pas le droit de rétrécir le Christ à nos propres dimensions. Nous ne pouvons lui imprimer nos limites sans le renier. L’Évangile, c’est l’interdiction de limiter son esprit. Le Christ s’est confié à nous, chacun de nous le porte comme le trésor du monde. Toute créature attend son accomplissement du rayonnement du Christ à travers nous.

Situation des chrétiens

Aucun être humain ne peut vivre en dehors d’un milieu humain. C’est une nécessité fondamentale. L’homme doit trouver des ressources qui dépassent la famille pour se compléter, pour découvrir un horizon de culture. Il faut que ce milieu humain soit assez riche pour satisfaire ses aspirations. De là, la nécessité de ces Églises orientales qui remplacent la patrie pour les chrétiens d’Orient.

Ceux-ci doivent concilier leur vocation traditionnelle avec leur vocation de chrétiens. Pour l’Évangile, l’obstacle le plus tragique est de risquer de se trouver dans la situation des Juifs qui considéraient les autres comme exclus et vivaient dans la fierté solitaire de leur monothéisme invulnérable. Ils ont voulu monopoliser Dieu, en faire une chose. Le Christ a été victime de cette situation, il est mort de ce refus d’universalité. Notre situation de minoritaires risque de nous faire courir le même danger. On est élu pour s’ouvrir et non pour se fermer. Le grand danger, c’est d’identifier notre situation minoritaire avec le Christianisme. Sous le nom de chrétien, c’est nous qui sommes en péril de renier le Christianisme. Dès que nous nous fermons à une seule âme, nous avons renié le Christ.

Les Douze avaient cette immense force d’être des envoyés. Ils n’étaient plus eux-mêmes, mais lui. Le Christ avait brûlé leur cœur à la Pentecôte dans le baptême de feu. Dans leur cœur, il n’y avait plus d’obstacle C’est dans la mesure où les Apôtres ont été le Christ et pas eux-mêmes qu’ils ont réussi. Nous ne sommes pas plus minoritaires que les Apôtres. Ils se sont laissés pénétrer, par la Présence qui les envoyait, de force, de lumière et d’héroïsme. Ils étaient le sel de la terre, mais le sel de la terre est toujours donné, la lumière du monde continue à luire. C’est la Pentecôte qui recommence.

Conseils

Pour que l’Évangile soit toujours vivant, pour que se propage ce feu, nous devons être entraînés dans cet immense amour, porter ce témoignage de communion et de Présence, porter le feu qui doit transformer toute créature pour une nouvelle naissance qui la fera vivre de Dieu. Cette Présence s’atteste en nous par notre libération en faisant éclater nos limites. Il faut que chacun se sente chez soi chez nous comme à l’intérieur de lui-même. C’est dans la mesure où nous satisfaisons à cette apostolicité que nous pourrons rendre témoignage à l’Évangile. Quel accueil avons-nous fait aux autres ? Quelle compréhension pour que les autres se sentent accueillis, compris ? Quand nous vivrons notre Christianisme comme le bien de tous, nous sortirons de cet esprit minoritaire. Il faut apporter cette plénitude de vie, de grandeur, de liberté, de virilité qui se communique par le fait même de son existence. On ne saurait nous empêcher d’être grands et de rayonner.

La biologie collective est la plus dangereuse parce qu’elle constitue un égoïsme dont on ne rougit pas. Elle va confisquer le témoignage spirituel et nous donner un complexe de supériorité et de mépris à l’égard des autres.

Gandhi nous donne l’exemple d’une vie axée sur le spirituel. Sa vie intérieure inspirait toute sa conduite et s’accordait parfaitement avec sa politique. Il n’admettait aucun compromis pour que l’Inde se libérât. Il voulait d’abord qu’elle fût digne de sa liberté. Son combat a revêtu cet aspect d’être parfaitement ingénu. Il ne cédait jamais quant aux principes, mais était d’une souplesse infinie dans la manière. Il ne se reconnaissait pas d’ennemis. Il revendiquait cette justice simplement pour l’homme et combattait pour les autres, autant que pour lui-même. Mais il était inflexible à poursuivre ses plans.

Toutes les majorités sont tentées d’abuser de leur situation. Mais la pire des choses pour faire échouer la justice, c’est de réveiller l’amour-propre individuel et collectif. Il faut traiter l’adversaire en gentleman et toujours avoir la manière, y mettre les formes, surtout dans ce pays où la courtoisie et la politesse extérieures sont si importantes. La courtoisie est un des éléments les plus essentiels de l’action.

Il faut un héroïsme fait de discrétion, de respect, de silence, de patience et de générosité. Le plus sûr moyen d’obtenir sa liberté, c’est de la mériter. Rien ne donne de la force comme une conscience absolument droite et simple. Il faut essayer les voies silencieuses d’abord.

Ambassadeur du Christ

La force du chrétien, c’est qu’il ne peut pas renoncer à cause des autres. Nous sommes envoyés et devons l’être avec la même fougue et le même enthousiasme de témoigner par l’amour et la grandeur jusqu’au martyre. Le chrétien est un envoyé partout où il se trouve, dans son travail, son ménage ou ailleurs. Il apporte le Christ, mais ce n’est jamais en son nom qu’il parle, mais comme un ambassadeur du Christ. Cette prise de conscience est le point de départ de tout.

Nous devons témoigner devant toute créature de la Présence de Jésus et donner notre vie même, au besoin, pour ceux qui nous persécutent. Le Christ est ce ferment de grandeur qui guérit de toute peur et de toute crainte. Il faut nous redresser dans la foi, l’espérance et l’amour.

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15/07/2018 – juillet 2018

mots-clefs mots-clés Zundel, 1957, Le Caire, Gandhi, mission, envoyé, apôtre, chrétiens d’orient, universalité, minoritaire, présence, pentecôte, témoignage, courtoisie, héroïsme, force, ambassadeur