De quel Dieu s’agit-il ? La notion de Dieu

« Maurice Zundel à Ghazir au Liban, en août 1959. Première conférence d’introduction pour une retraite de franciscaines de l’Immaculée Conception de Lons-le-Saulnier (maison mère). Édité dans “Je parlerai à ton cœur” (*)

Résumé : Marx voit en Dieu l’ennemi de la liberté ; le père Festugière y voit un être inconnu dont le mystère est impénétrable et qui fait peser sur la vie un joug presqu’intolérable. Une toute autre vision est suggérée par Mauriac dans “le nœud de vipères” : un Dieu libérateur, qui comble le cœur, un Dieu qui est au-dedans de nous et nous attend.



Enregistrement de la conference (suite)

 

Troisième tableau : Le Nœud de Vipères de Mauriac

Il y a une autre vision de Dieu et la voici. Elle nous est suggérée par Mauriac. Il y a un roman de Mauriac qui s’appelle “Le Nœud de Vipères”. Dans “Le Nœud de Vipères”, Mauriac nous représente un jeune homme extrêmement doué qui est le fils unique d’une femme de race paysanne, qui adore son fils, sans aucune sentimentalité d’ailleurs, qui lui est extrêmement dévouée et d’autant plus dévouée que ce fils est très délicat de santé, qu’il est menacé, qu’il est même atteint de tuberculose. Donc cette femme, qui est veuve, veille sur son fils comme sur son unique trésor et, en même temps, comme elle est de race paysanne, elle s’entend admirablement à gérer les affaires et, par conséquent, sous sa gestion et sous sa direction, la fortune de son mari, qui est la fortune de son fils, augmente, s’accroît, se consolide d’une manière admirable.

Le jeune homme n’a aucune religion. Comme il est très menacé dans sa santé, il fait les études les plus courtes et les plus faciles qui soient, les études de droit. Il réussit très rapidement, très brillamment ses études, et il devient un avocat très recherché, dont les procès sont toujours gagnants, qui devient de plus en plus célèbre et dont la fortune ne cesse de s’accroître.

Au point de vue charnel, il a des rencontres avec des femmes de hasard, il n’aime personne que lui-même. Il tourne autour de lui-même et il n’a qu’un seul but, c’est réussir dans ses affaires et accroître sa fortune. Il est assez raide d’ailleurs avec sa mère qui se laisse guider par son fils, il est assez raide avec elle et elle n’en attend, d’ailleurs, pas grand-chose. Elle est heureuse de l’avoir sauvé de la mort et fière de le voir réussir dans ses affaires.

Or, il arrive qu’au cours d’un voyage de vacances, ce jeune avocat très brillant, qui n’aime personne, qui n’a jamais aimé, qui n’a usé des femmes que pour son plaisir, dans un hôtel où une famille noble mais désargentée fait un séjour, il se trouve que, tout d’un coup, une des jeunes filles l’émeut, le touche, il est attiré par elle et il commence discrètement à lui faire la cour. Et, à son étonnement, parce que, comme il est d’une hérédité paysanne et la famille désargentée est noble tout de même dans ses origines et dans ses traditions, à son étonnement, joyeux d’ailleurs, la famille n’a pas l’air de dire non. Les parents ne désapprouvent pas cette cour discrète qu’il fait à leur fille et finalement l’engagement devient plus profond : il se fiance et il épouse cette jeune fille.

Pendant ses fiançailles, il a eu l’occasion peu à peu de sortir de lui-même pour la première fois de sa vie, puisque sa mère, au fond, il ne l’a jamais aimée pour elle-même, il a vu en elle la pourvoyeuse, l’économe, l’infirmière, il ne l’a jamais vue comme une présence nécessaire à son cœur. Pour la première fois de sa vie, donc, il est sorti de sa coquille, sorti de son égoïsme et il commence à en éprouver le bienfait. Il commence à respirer plus largement parce que toute sa vie ne tourne pas autour de sa personne, qu’il se sent chargé du bien de quelqu’un d’autre et qu’il s’émeut de voir que faire plaisir, c’est aussi une source de bonheur.

La jeune femme, malheureusement, la jeune femme beaucoup trop naïve, s’imagine qu’on ne doit rien cacher à son mari et, très ingénument, elle lui raconte que elle a perdu un frère tuberculeux, que elle a été fiancée une première fois et que son fiancé l’a abandonnée à la mort de ce frère tuberculeux, craignant que la tuberculose ne soit une maladie de famille, que ses parents à elle en ont fait une maladie, que sa mère ne cessait de se lamenter, en disant : « Si c’est comme ça, jamais tu ne pourras te marier parce que tous les prétendants possibles invoqueront toujours le même argument, qu’il y a eu une tuberculose, que ton frère est mort, que tu pourrais être contaminée. »

Et naturellement, elle-même avoue avoir été très sensible au tourment de ses parents. Alors, tout d’un coup, le jeune mari se dit : « Ah, mais je comprends, elle ne m’a jamais aimé, elle a eu pitié de ses parents ! C’est pour les tirer d’embarras, au fond, qu’elle a accepté ce mariage. Comme je n’ai pas posé de conditions, ayant moi-même été malade, elle a vu la seule issue possible à une situation désespérée, elle m’a épousé simplement pour se caser, afin d’éviter à ses parents ce tourment insurmontable. »

Alors, sans que la jeune femme s’en doute, cette confidence est une catastrophe, parce que, il a l’impression d’avoir été joué, d’avoir été conduit par le bout du nez et d’avoir été engagé dans cette affaire simplement pour assurer la tranquillité des parents.

Alors, à partir de là, il se retire, il s’enfonce dans ses affaires, il devient insupportable, il s’enferme dans un mutisme hostile et sa femme, qui n’y comprend rien, qui n’a pas la moindre idée que c’est sa confidence qui a provoqué la catastrophe, sa femme, très blessée bien sûr, mais voyant que il n’y a rien à faire, d’ailleurs religieuse, par tempérament, et chargée de plusieurs enfants, se replie sur ses devoirs de mère, en acceptant devant Dieu le sacrifice de son bonheur conjugal.

Le père, voyant la mère toute aux petits soins pour ses enfants -– et où dépenserait-elle sa tendresse puisque lui s’est retiré ? Il faut bien qu’elle la donne à quelqu’un, elle la donne à ses enfants – s’imagine que la mère fait bloc avec ses enfants contre lui. Alors, de plus en plus, son hostilité s’aggrave et, tandis que les enfants grandissent, il y a nettement deux clans, le clan de la mère et des enfants, le clan du père, solitaire, muet, hostile. Et il pousse son hostilité si loin que, pour blesser les sentiments religieux de sa femme, il l’oblige à lui servir un beefsteak le Vendredi-Saint.

Les enfants, qui ne connaissent que la tendresse de leur mère, naturellement sont foncièrement hostiles à leur père et, plus ils grandissent, plus cette hostilité s’enracine en eux. Les événements amènent des mariages, les enfants ayant grandi, jusqu’au point où ce vieil avocat, car il a vieilli dans l’intervalle, a même une petite fille qui vient de se marier. Et tous ceux qui entrent dans la famille, d’ailleurs, se rattachent au clan de la mère et deviennent pour lui autant d’ennemis. Sa fortune est colossale et c’est, au fond, le seul lien qui maintient les enfants dans une certaine solidarité avec leur père. Cette fortune immense, naturellement, ils veulent qu’elle leur revienne, qu’elle leur revienne et ils sont bien obligés de jouer le jeu d’une certaine présence pour que le père ne les déshérite pas.

Mais ça dure, c’est long ! Ils voudraient bien qu’il meure et qu’une heureuse circonstance les délivre de sa présence. Lui, naturellement, n’est pas dupe, il connaît exactement leurs sentiments et il les connaît d’autant mieux que, le soir, comme il est fatigué, il se retire avant les autres dans sa chambre, il éteint sa lumière, il laisse sa fenêtre ouverte pour savoir tout ce qui se dit dans le jardin.

Alors, il entend des murmures, il entend des échos et, un soir, il perçoit justement le mari de sa petite-fille proposer rien de moins que de l’interner dans une maison de santé, de le séquestrer, de le boucler, de faire déclarer qu’il est incapable de gérer ses affaires et, par conséquent, de mettre la main sur la fortune, avant d’attendre sa mort, plutôt que d’attendre sa mort qui tarde vraiment à se produire.

Quant il entend cette conversation, il entre naturellement dans une fureur indescriptible et, le lendemain, il annonce à sa femme qu’il part en voyage.

La femme, qui, d’ailleurs, n’était pas dans le complot puisqu’elle s’était retirée avant cette conversation cynique, la mère qui n’est pas dans le complot le regarde, elle est fatiguée. Pour la première fois de sa vie, il la regarde, seule. Il voit qu’en effet elle est accablée, qu’elle est usée. Un sentiment de pitié commence à l’envahir. Il voudrait ne pas partir, mais il se raidit en pensant aux paroles effroyables qui ont été prononcées la veille par ce petit-fils par adoption qui parlait de l’interner, avec d’ailleurs la complicité des autres.

Il est donc décidé à aller à Paris, à les déshériter tous et à transmettre toute sa fortune à un fils naturel qu’il a eu avec une de ses clientes qui était une institutrice qu’il avait sauvée d’une affaire très grave, qui, par reconnaissance s’était donnée à lui et avait eu un fils. Il avait, d’ailleurs, très honnêtement continué à les entretenir, ils ne manquaient absolument de rien. Il avait, à cet égard, rempli tous ses devoirs, mais il décide de transférer toute sa fortune sur ce fils naturel qu’il ne connaît pas.

II arrive donc à Paris et il raconte à son ancienne cliente, qui est la mère de ce fils, son intention, comme il la raconte à cet enfant naturel qui le rencontre pour la première fois que c’est lui qui deviendra l’héritier de toute sa fortune.

Il s’aperçoit avec stupeur que ça n’a pas du tout l’air de les toucher, qu’au fond ils ont plutôt peur, peur de cette histoire, peur d’être entraînés dans des complications extraordinaires par toute une famille qui évidemment les attaquera et défendra le testament, se défendra contre le testament avec le bec et les ongles. Enfin, il essaie tout de même de les persuader, il s’installe dans leur voisinage pour quelque temps, il demande à ce fils naturel de retirer son courrier. Et il commence à douter d’ailleurs que ce garçon soit capable de prendre en main une pareille charge, quand un jour, tandis que il se promène dans Paris, il voit à travers le reflet d’une vitrine l’ombre de son gendre, l’ombre de son gendre dans un magasin. Il regarde encore et il voit son fils dans le même magasin, et il voit son fils naturel avec eux. Alors, il comprend, il comprend : « Ça y est, ça y est il a vendu la mèche et il va négocier avec les héritiers légitimes, il va négocier l’affaire. »

Alors, il se retire, lui, dans l’ombre, il les laisse sortir. Il les suit. Ils vont à l’église de Saint-Germain et c’est là que ils règlent leurs petites affaires, qu’ils se mettent d’accord sur la pension que le fils naturel touchera, qui sera doublée en échange de l’abandon total de ce testament fait en sa faveur.

Alors, ayant vu ce qu’il voulait voir, il se retire et, lorsqu’il se retrouve en face de son fils naturel, il feint de n’avoir rien vu, de ne rien savoir, il lui pose une question et cette question fait éclater la baudruche. Alors il le met au pied du mur et lui dit : « Espèce d’imbécile, naturellement tu as été vendre la mèche aux autres, tu t’es entendu avec eux. Eh bien, moi, je te donnerai exactement ce qu’ils voulaient te donner, je doublerai ta pension et je donnerai mon argent à quelqu’un d’autre ! » Et il rompt absolument avec cette femme et avec ce garçon, et son courrier reste deux ou trois jours poste restante.

Quand il va le retirer, il y a une lettre de son fils qui le prie de rentrer au plus tôt parce que sa femme est malade. Il commence alors à être ému, touché et, en effet, il prend le premier train et, lorsqu’il arrive, elle est morte. Elle est morte…


Enregistrement de la conference (suite et fin)

 

Devant le cercueil de sa femme, il rencontre son fils et lui dit : « Vous n’auriez pas pu me prévenir plus tôt ? » et le fils : « Mais, Père, nous ne savions pas votre adresse. » – « Comment ? Espèce de bandit, vous ne saviez pas mon adresse ? Qu’est-ce que vous avez été faire à Paris ? Vous avez bien su retrouver ce garçon avec lequel vous avez négocié le testament. » Le fils, tout penaud d’être découvert, balbutie.

Le père, furieux, exhale contre lui toute sa colère, puis, tout d’un coup se dégonfle : « Ah, eh bien, vous le voulez cet argent. Vous l’aurez, je vous le flanquerai à la figure, je vous le donnerai aujourd’hui même ».

Il vient de comprendre, devant ce cercueil, que c’est absurde, qu’il n’emportera rien, qu’il n’a pas besoin pour vivre sinon que de la petite pension qui lui permettra de satisfaire à ses besoins nécessaires. Et, à l’étonnement et à la stupeur, en effet, de ses enfants et petits-enfants, il exécute sa promesse, il leur remet tous ses biens, en leur demandant seulement de lui verser une petite pension jusqu’à sa mort.

Et il s’en va vivre à la campagne et il commence à écouter, à regarder. Maintenant qu’il est libre de cet immense souci, il commence à être ouvert à la beauté des choses, à la splendeur de la lumière, à la couleur des fleurs, aux jeux des petits enfants; quand sa petite-fille, celle dont le mari voulait le faire interner, est abandonnée par celui-ci, dans son immense chagrin, elle vient se réfugier auprès de son grand-père. Alors, devant cette détresse d’une jeune femme abandonnée par son mari, il s’émeut, il s’intéresse à elle, il entre à fond dans sa douleur, il essaie de la divertir de son chagrin et, et plus il entre dans cette douleur d’un autre, ou plutôt d’une autre, plus il entre dans cette douleur, plus il se libère de lui-même, plus il sent son cœur se dilater, plus il y a en lui d’espace.

Et le curé du village vient le voir. Ça ne lui déplaît pas, au fond. Quelque chose de tout à fait nouveau est en train de naître en lui. Il ne sait pas exactement quoi, mais il n’y a plus de raidissement, il n’y a plus de refus, il n’y a plus de non. Une espèce de disponibilité de plus en plus foncière s’établit au-dedans de lui-même et, finalement, à travers la charité qu’il exerce à l’égard de sa petite-fille, il ne tient personnellement plus à rien. Il se met à méditer, à écouter. Et le jour de Noël approche et, au fond, il n’est pas dit, il n’est pas dit qu’il ne communiera pas le jour de Noël…

Il écrit son journal et, chaque jour, il note cette espèce d’invasion en lui d’une lumière inconnue, d’un espace qui ne cesse de s’élargir, d’une joie très simple, très pure, qui le fait communier à la beauté de la nature. Et enfin, un soir, il écrit : « Enfin, j’ai rencontré cet Amour Adorable… » Et, au milieu du mot “adorable”, la plume lui tombe des mains : il est mort.

Mais il a trouvé, il a trouvé, il a trouvé… Justement, il est mort, au fond, de cette découverte de l’Amour Adorable, où Dieu est venu à lui du dedans, est venu à lui comme une présence, est venu à lui comme un jour, est venu à lui comme un espace, est venu à lui comme une liberté, est venu à lui comme une joie. Et, sans aucune violence, comblé d’émerveillement, libéré au contraire de tout ce qui faisait de lui autrefois l’esclave de son orgueil, l’esclave de son argent, l’esclave de ses plaisirs, il a trouvé maintenant, il a trouvé Celui que Saint Augustin appellera « la Vie de notre vie ».

Trois tableaux et tellement de manières de parler de Dieu…

Vous voyez que ce troisième tableau qui dénoue “Le Nœud de Vipères” de Mauriac, ce troisième tableau est très différent. Il ne s’agit plus d’un Dieu qui est l’ennemi de la liberté, qui vient vous apprendre que vous êtes sujet, qu’il vous tient, que vous ne pourrez jamais résister à Sa Volonté, que vous n’êtes rien sous Sa Toute-Puissance, qui vous écrase et qui se réserve d’ailleurs toujours de vous châtier si vous échappez à Ses Commandements. Nous ne trouvons, dans cette évolution, nous ne trouvons dans cette découverte du Dieu, à travers “Le Nœud de Vipères”, rien de semblable.

Rien de semblable, non plus, au Dieu de Festugière, ce Dieu que les hommes ont cru rencontrer parce qu’il y avait des forces dans la nature qui leur échappaient, ce Dieu lointain qu’ils ont essayé d’apprivoiser, qui manque si souvent à l’appel, ce Dieu qui crée un pharisaïsme éternel puisqu’il faut, de toute manière, dans toutes les religions, y compris la chrétienne, obéir aux commandements, ce Dieu qui est un joug qu’il est si difficile de supporter quand on sait qu’on est presque toujours maltraité. Rien de semblable dans “Le Nœud de Vipères”. Au contraire !

Cette montée vers Dieu est toute joyeuse, toute libératrice, elle surgit comme une source au-dedans de l’âme. Et le cœur en est tellement comblé qu’au cours de ce journal se dessine cette montée vers la lumière et que le dernier mot, celui qui est le mot de la rencontre définitive, à travers une mort apaisée : « Enfin, je viens de rencontrer cet Amour Adorable ».

Il faut donc s’entendre lorsqu’on parle de Dieu. De quel Dieu parle-t-on ? Il y a tellement de manières de parler de Dieu. Il est si facile de faire de Dieu une idole ! Et nous en avons la preuve, la plus terrifiante d’ailleurs, dans le fait qui passe trop généralement inaperçu, dans ce fait que Notre-Seigneur lui-même, Notre-Seigneur a été condamné au nom de la religion par les hommes de la religion, comme l’ennemi de leur religion. Ce sont les prêtres, c’est le Prince des prêtres, le Grand-Prêtre, ce sont les Docteurs de la Loi, ce sont des hommes de religion, des hommes qui s’appliquaient continuellement à la lecture des Écritures et aux commentaires de ces mêmes Écritures, qui ont vu en Jésus l’ennemi de la religion. C’est au nom de leur Dieu, qu’ils prétendaient être le Dieu de Moïse, c’est au nom de leur Dieu qu’ils ont condamné et crucifié Notre-Seigneur. Il n’y a donc pas de doute que, sous le nom de Dieu, on peut mettre une foule d’idoles qui n’ont aucune espèce de ressemblance avec le Vrai Dieu.

Prendre conscience d’une découverte toujours à poursuivre

C’est pourquoi il est si important, au cours d’une retraite, que l’on prenne conscience du Dieu que l’on aime, de la découverte qu’il faut continuellement en faire, pour n’être pas enveloppé dans des visions de Dieu comme celles, si lugubres et si désespérées du P. Festugière, pour n’être pas entraîné par des lectures qui semblent, d’ailleurs, émaner de gens très compétents, pour ne pas succomber à une certaine littérature religieuse qui nous présente de Dieu un visage absolument intolérable.

C’est ce que nous tâcherons de faire au cours de cette retraite : découvrir Dieu, selon le programme que se donne à lui-même Saint Augustin dans les Confessions lorsqu’il dit : « Noverim te, noverim me »: « Que je Te connaisse et que je me connaisse – Que je Te connaisse et que je me connaisse… »

Et nous le verrons d’ailleurs, vous le savez parce que vous n’ignorez pas l’admirable itinéraire de Saint Augustin. Saint Augustin, lui aussi, a trouvé Dieu admirablement comme « la Vie de sa vie », justement non pas comme un Dieu de terreur, non pas comme un joug effroyable, non pas comme une source d’ennui et de désespoir ! Il L’a rencontré, au contraire, comme la source d’où sa vie jaillissait.

Nous allons donc, ce soir, nous interroger simplement : Quel est mon Dieu ? Quel est mon Dieu ? Quel visage a pour moi mon Dieu ? Comment est-ce que je Le retrouve et dans quelle mesure est-Il pour moi vraiment la Vie de ma vie ? Et nous aurons l’occasion de nous apercevoir combien nous sommes tous tentés de nous faire un Dieu à notre image, un Dieu qui nous ressemble, un Dieu qui ait nos limites, un Dieu qui ait plus ou moins les mêmes sentiments que nous-mêmes, un Dieu qui, précisément, en raison du fait qu’il a pris notre propre figure, devient pour nous, en effet, souvent un tourment, un obstacle et un ennui.

Dieu est le contraire d’un ennemi de la liberté, le contraire d’un mystère obscur, terrible, impénétrable…, car Dieu qui est au-dedans de nous, nous attend.

Et nous verrons, au contraire, que le Dieu de l’Évangile, (dont le sens, vous le savez, “Évangile”, c’est la “Bonne Nouvelle”) que le Dieu de l’Évangile, c’est un Dieu merveilleusement inconnu, un Dieu que nous aurons l’occasion de redécouvrir en nous à chaque instant du jour et que cette découverte est la plus passionnante, la plus merveilleuse que l’on puisse faire dans sa vie, parce que Dieu est exactement le contraire de ce que pense Marx, le contraire d’un ennemi de la liberté, le contraire de ce que pense Festugière, c’est à dire un mystère obscur, terrible, impénétrable, qu’il faut bien accepter, puisque nous sommes environnés de forces inconnues mais, en somme, s’il n’y avait pas cette tradition et cette habitude, nous refuserions ce joug. Ce serait tellement plus simple de ne pas croire !

Ce n’est pas de ce Dieu-là, justement, que Jésus nous parle, mais d’un Dieu qui est au-dedans de nous et qui nous attend et qui a été découvert très justement par le héros de Mauriac comme l’Amour Adorable, qui répond à toutes les questions de notre Intelligence et à tous les élans de notre cœur et qui est tellement beau, tellement inépuisable que chaque jour c‘est nouveau et chaque jour c’est plus merveilleux que la veille à condition que, justement, l’âme s’ouvre, devienne disponible et écoute au-dedans d’elle cette petite voix qui ne cesse de nous enseigner. Car Dieu n’est pas loin de nous, Il est, comme dit saint Paul, « Celui en qui nous avons le mouvement, l’être et la vie » (Ac. 17:28)

(*) « Livre : Je parlerai à ton cœur »

Éditeur : Anne Sigier
Parution : 15/11/1990
Pages : 330
ISBN : 9782891291477

lfn 59 0801

24/02/2019 fevrier2019

Déjà publié sur le site le : 13/02/2010 au 17/02/2010

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