08-09/12/2013 – Conférence – La vierge Marie et la femme

La
vierge Marie et la femme – Retraite de Maurice Zundel du 30 Juin au 3 Juillet 1939 au Val Saint-François, Les Allinges, Thonon. Inédit.

 

On nous accuse d’avoir détourné les privilèges de Jésus au profit de la Vierge. Comment situer le culte de la Vierge dans l’Eglise ? Que signifie-t-il ? Quel critère spirituel peut-on lui appliquer ? Si l’esprit y trouve son compte, il est pleinement justifié, c’est la méthode la plus réaliste, la plus concrète.

 

Il y a bien des manières d’envisager ce problème. Pour comprendre une chose, il faut concevoir, c’est-à-dire vivre, laisser pénétrer en soi la lumière. C’est seulement quand on a donné à une idée un berceau dans notre âme que nous sommes sur le chemin de l’intelligence. La Vérité doit être conçue en nous comme on conçoit un enfant : nous ne pouvons l’accueillir que si elle est le fruit de notre amour.

 

La Vierge est tellement tendue vers le Christ que la conception dans sa chair est le fruit de sa contemplation. C’est la femme-esprit qui enfante l’esprit.

 

Ce que l’homme aime chez la femme, c’est l’être contemplatif qui l’amènera lui-même à la vérité. Les hommes brassent des idées, c’est leur métier. Ils sont en général capables de remuer des concepts, ils vivent facilement sur le plan de l’universel, c’est même ce qui attire la femme, mais ils se déshumanisent dans l’abstraction. La pensée de l’homme sans l’influence de la femme se dessèche.

 

Si Kant avait rencontré un esprit féminin de sa trempe, il aurait réalisé la synthèse de sa vie d’une façon autrement plus harmonieuse, il aurait rencontré la vérité.

 

Ce qu’une femme peut donner de meilleur à l’homme, c’est le miroir vivant de sa rencontre avec Dieu. L’homme sent alors qu’il a à se recueillir, qu’il a à se défier des abstractions de son esprit. Il verrait que dans chaque idée, il y a une vie.

 

Pour rencontrer la vérité, il faut l’aimer. On atteint alors le sommet de la vie de l’esprit.

 

La culture européenne depuis la Renaissance est devenue une culture nationale, extérieure à la vérité. Tout le monde sait lire, mais que lit-on ? Il suffit de voir les journaux pour comprendre ce que cette puissance de lire peut comporter. C’est bien d’apprendre à lire aux gens, mais il faudrait aussi les défendre contre les risques que cela comporte. On peut être docteur de toutes les facultés et sans aucune moralité, aucun goût de la vérité.

 

Le rôle de la femme, c’est de ramener l’homme à la contemplation. Si la femme savait être cela pour l’homme, elle cesserait d’être sa faiblesse pour devenir sa force, sa virilité. Tout cela s’est accompli magnifiquement dans la Vierge.

 

On a fait de la femme des répétitions de l’homme. Elle n’apporte plus rien de jaillissant, de complémentaire, elle devient la concurrente de l’homme, au lieu de devenir son achèvement.

 

L’homme n’attend pas de la femme des idées (des constructions de logique), ce qu’il attend d’elle, c’est qu’il lui découvre la transparence de son âme.

 

C’est en découvrant le mystère de la virginité féconde de la Vierge que Joseph a pénétré dans le mystère divin.

 

La pudeur est l’intériorité du corps manifestée dans toute l’attitude visible. C’est un esprit, ce n’est pas une question de centimètres, de longueur de robe.

 

La coquetterie est extrêmement grave – je ne parle pas de la coquetterie du vêtement, mais de ce jeu féminin qui consiste à « tenir l’homme au bout d’un fil ». Les femmes jouent avec les hommes sans s’imaginer ce qui peut en arriver pour elles. C’est une chose très grave. Elles peuvent le faire en toute innocence, sans rien vouloir, simplement parce que cela les amuse. Triste pouvoir que celui qui peut affoler une intelligence virile…

 

Si vous êtes intérieure, vous êtes intangible. Si vous ne l’êtes pas, vous ne savez pas à quelles conséquences vous vous exposez.

 

Le nom de Notre Dame a enchanté tout le moyen-âge. Dans son hommage à la Vierge, il a englobé le respect de la femme et par conséquent, le respect de soi-même… La Vierge, parce que pleine de grâce, inspiratrice de la beauté.

 

La femme chrétienne sera aussi gracieuse qu’elle sera chaste et intelligente, mère de la Lumière, c’est-à-dire d’un pudeur infinie. La grâce du corps est le rejaillissement de la beauté intérieure.

 

On ne tire pas la beauté de petits pots où il y a du rose, du bleu, du noir…. La beautés a du caractère, de la virilité.

 

Lecture d’une page de Rodin :

 

Je ne chante que pour les chevaliers disait la chanteuse romaine. (1)

 

Il n’y a de laid dans l’art que ce qui n’a pas de caractère, ce qui est sans âme, sans vérité, tout ce qui est bas. (2)

 

Quand un artiste a l’intention d’embellir la nature, qu’il ajoute du vert, il crée de la laideur, car il ment. (3)

 

Il faut se défendre contre la vieillesse, mais la jeunesse est une autre affaire qui relève de l’esprit; et la beauté, dans le sens plein du mot, ne pourra jamais vous être ravie.

 

Chacun de nous doit transformer son corps et l’embellir de son esprit. La beauté ne sera atteinte que du dedans.

 

La beauté de la Vierge est toute spirituelle, infinie, éternelle, virile, contemplative.

 

Notes

(1) « Je suis comme cette cantatrice romaine qui répondait aux huées populaires : Equitibus cano ! Je ne chante que pour les chevaliers ! c’est-à-dire pour les connaisseurs. » Auguste Rodin, L’Art, entretiens réunis par Paul Gsell, Grasset, 1911 

 

(2) « Il n’y a de laid dans l’Art que ce qui est sans caractère, c’est-à-dire ce qui n’offre aucune vérité extérieure ni intérieure. » Auguste Rodin, L’Art, entretiens réunis par Paul Gsell, Grasset, 1911 

 

(3) « Quand un artiste, dans l’intention d’embellir la Nature, ajoute du vert au printemps, du rose à l’aurore, du pourpre à de jeunes lèvres, il crée de la laideur parce qu’il ment. » Auguste Rodin, L’Art, entretiens réunis par Paul Gsell, Grasset, 1911

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